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1675a ailleurs pour le gouverneur, vous sentiriez la douceur d’être adorée partout[1]. Quels affronts ! quelles injures ! quelles menaces ! quels reproches, avec de bonnes pierres qui volent autour d’eux ! Je ne crois pas que M. de Grignan voulût cette place à de telles conditions : son étoile est bien contraire à celle-là[2].

Vous me parlez, ma bonne, de cette héroïque signature que vous avez faite pour lui[3] : vous ne doutez pas des bons sentiments de notre cardinal (je ne parle pas des miens) ; vous voyez cependant ce qu’il vous conseilloit[4]. Il y a de certaines choses, ma bonne, que l’on ne conseille point : on expose le fait ; les amis font leurs devoirs de ne point commettre les intérêts de ceux qu’ils aiment ; mais quand on a l’âme aussi parfaitement belle et bonne que vous l’avez, l’on ne consulte que soi, et l’on fait précisément comme vous avez fait. N’avez-vous pas vu combien vous avez été admirée ? N’êtes-vous pas plus aise de ne devoir qu’à vous une si belle résolution ? Vous ne pouviez mal faire : si vous n’eussiez point signé, vous faisiez comme tout le monde auroit fait ; et en signant, vous faisiez au delà de tout le monde. Enfin, ma bonne, jouissez de la beauté de votre action, et ne nous méprisez pas, car nous avons fait notre devoir ; et dans une pareille occasion, nous ferions peut-être comme vous, et vous comme nous : tout cela s’est fort bien passé. Je suis ravie que M. de Grignan récompense cette marque d’amitié par une plus grande attention à ses affaires : la

  1. LETTRE 465. — C’est le texte des deux éditions de 1726. Perrin, qui ne donne ce passage que dans sa seconde, l’a ainsi allongé : « vous sentiriez bien plus que vous ne faites la douceur d’être aimée et honorée partout. »
  2. Ce membre de phrase manque dans les deux éditions de 1726.
  3. Mme de Grignan venait de s’engager pour son mari.
  4. Le cardinal de Retz conseilloit de ne pas signer. (Note de Perrin.)