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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/244

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1675m’auroit pas plus affligée : je jurai de ne me plus fier aux physionomies

Non, non, je le promets,
Non, je ne m’y fierai jamais[1].

Voici des nouvelles de notre province ; j’en ai reçu des lettres, un fagot : des Boucherat, Lavardin, d’Harouys ; ils me rendent compte de tout. M. de Harlay demanda trois millions, chose qui ne s’est jamais donnée que quand le Roi vint à Nantes[2] : pour moi, j’aurois cru que c’eût été pour rire. Ils promirent d’abord, comme des insensés, de les donner, et en même temps M. de Chaulnes proposa de faire une députation au Roi[3], pour l’assurer de la fidélité de la province, et de l’obligation qu’elle lui a d’avoir bien voulu envoyer ses troupes pour les remettre en paix, et que la noblesse n’a eu nulle part aux désordres qui sont arrivés. En même temps, Monsieur de Saint-Malo se botte pour le clergé ; Tonquedec voulut aller pour la noblesse ; mais M. de Rohan, président, a voulu aller lui-même, et un autre pour le tiers[4]. Ils passèrent tous trois à Vitré

  1. Ici encore Mme de Sévigné se rappelle, et cite, en y changeant un mot, un refrain plusieurs fois répété dans le Thésée de Quinault (acte III, scène v) :
    Non, non, je le promets,
    Non, je ne l’aimerai jamais.
  2. Au mois de septembre 1661, quand Foucquet y fut arrêté.
  3. Dans le manuscrit : « une députation du Roi. »
  4. « Cet autre, que Mme de Sévigné ne daigne pas nommer, était M. dela Gascherie Charette, maire de Nantes. » (Walckenaer, tome V, p. 183, note 1.) — « Hier, dit-la Gazette du 16 (sous la date de Dinan, 11 novembre), les sieurs de Boucherat et de Harlay Bonneuil, premier et deuxième commissaires (le dernier portant la parole et ayant fait entendre les volontés de Sa Majesté par un discours très-éloquent), firent la demande du don gratuit de trois millions de livres. L’assemblée ne l’accorda pas seulement dans le même temps, par une seule délibération, et sur un consentement unanime ; mais pour marquer davantage la douleur de la province pour les mouvements passés, elle ordonna une députation, composée de l’évêque de Saint-Malo, président du clergé, du duc de Rohan, président de la noblesse, et du sénéchal de Nantes, au nom du tiers état, pour venir supplier expressément Sa Majesté de vouloir oublier et pardonner de nouveau ce que le crime de quelques séditieux pouvoit avoir causé de mauvaise impression pour toute la province. »