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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/252

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1675noissables. Il n’y a que notre amitié que le temps respecte et respectera toujours. Mais où suis-je, ma fille ? voici un étrange égarement ; car je veux dire simplement que la poste me retient vos lettres un ordinaire, parce qu’elle arrive trop tard à Paris, et qu’elle me les rend au double le courrier d’après : c’est donc pour cela que je me suis extravaguée, comme vous voyez. Qu’importe ? En vérité, il faut un peu, entre bons amis, laisser trotter les plumes comme elles veulent : la mienne a.toujours la bride sur le cou.

On eût été bien étonné chez M. de Pompone que cet hôtel de ville[1], qui vous paroît une caverne de larrons, vous eût servie à votre gré. Je crois qu’il vaut mieux, pour entretenir la paix, que cela soit ainsi. La question est de savoir si vous ne vous divertissez point mieux d’une guerre où vous avez toujours tout l’avantage. Je sais du moins comme vous êtes pour la paix générale ; je n’écrirai rien à Paris de cette humeur guerrière ; car M. de Pompone, qui est amico di pace e di riposo[2], vous gronderoit. D’Hacqueville me mande qu’on ne peut pas être mieux que nous sommes dans cette maison : si vous en êtes contente, écrivez à M. de Pompone et à Mme de Vins ; quand on a eu dessein de faire plaisir à quelqu’un, on est aise de savoir qu’on y a réussi.

Le petit Marsan[3] a fait, en son espèce, la même faute que Lauzun, c’est-à-dire de différer, et de donner de l’air à une trop bonne affaire. Cette maréchale d’Aumont[4] lui

  1. LETTRE 471. — Perrin, dans son édition de 1754, la seule qui donne cette lettre et la suivante, a ajouté entre parenthèses « d’Aix. »
  2. « Ami de la paix et du repos. » — Di riposo e di pace est le commencement d’un vers du Pastor fido (acte II, scène v).
  3. Voyez tome III, p. 393, note 17.
  4. Catherine Scarron de Vaures, veuve, depuis 1669, du maréchal Antoine d’Aumont, connu sous le nom de marquis de Villequier, de qui elle eut deux fils et deux filles. Son fils aîné, Louis-Marie-Victor, duc d’Aumont, avait épousé en premières noces Madeleine Fare le Tellier, fille du chancelier, qui était morte en 1668. Il restait de ce mariage deux filles, qui devinrent par la suite la marquise de Beringhen et la marquise de Créquy, et un fils, le marquis de Villequier. C’est dans l’intérêt de ses petits-enfants que le Tellier s’opposait au mariage de leur aïeule paternelle. La maréchale d’Aumont avait soixante-cinq ans lorsqu’elle voulut épouser le comte de Marsan. Saint-Simon (tome VI, p. 430) dit que ce que Marsan « tira de la maréchale d’Aumont est incroyable. Elle voulut l’épouser, et lui donner tout son bien en le dénaturant. Son fils la fit mettre dans un couvent, par ordre du Roi, et bien garder. De rage, elle enterra beaucoup d’argent qu’elle avoit en lieu où elle dit qu’on ne le trouveroit pas, et en effet, quelques recherches que le duc d’Aumont ait pu faire, il ne l’a jamais pu trouver. » La maréchale d’Aumont mourut en novembre 1694, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans ; elle était, quoique d’une branche différente, de la même famille que le poëte Scarron. Quant au comte de Marsan, il épousa sept ans après la fille unique du maréchal d’Albret, veuve de son cousin germain Charles-Amanieu d’Albret. C’est ce Charles-Amanieu d’Albret (et non pas le maréchal, comme il a été dit par erreur au tome I, p. 536, note 3) qui mourut le dernier de sa maison (voyez la lettre du 9 août 1678).