Le mariage du joli prince n’est pas tout à fait rompu ; mais on dit que tous les trésors dont on a parlé seront réduits à cent mille écus : ah ! pour cent mille écus, je ne voudrois pas coucher avec cette sorcière[1]. Je suis persuadée, ma fille, que vous passerez le mois de décembre à Grignan ; vous coupez toujours tout ce que vous pouvez sur le séjour d’Aix. Vous vous moquez de la Durance ; pour moi, je ne reviens point de l’étonnement de sa furie et de sa violence. Je n’oublierai jamais les chartreux de Bompas[2], bon repas ; car vous souvient-il quelle bonne chère nous y fîmes ? Ah, mon enfant ! j’étois avec vous ; ce souvenir m’est tendre ; je vous épargne toutes mes pensées et tous mes sentiments sur ce sujet : vous avez une humeur et un courage qui ne s’accommodent point de tout ce qui me nourrit. Je m’amuse les soirs à lire l’Histoire de la prison et de la liberté le Monsieur le Prince[3] : on y parle sans cesse de notre cardinal. Il me semble que je n’ai que dix-huit ans : je me souviens de tout ; cela divertit fort. Je suis plus char-
- ↑ Voyez p. 246, la note 4 de la lettre précédente.
- ↑ Maison de chartreux, située dans le Comtat, au bord de la Durance, et précisément au passage de cette rivière pour entrer en Provence. (Note de Perrin.)
- ↑ Histoire de la prison et de la liberté de Monsieur le Prince, par Claude Joly, Paris, 1651, A. Courbé, 227 pages. — Claude Joly, « qui s’est fait connaître par divers ouvrages pleins de savoir et de mérite, » était l’oncle de Guy Joly, l’auteur des Mémoires. Voyez Madame de Longueville, par M. Cousin, tome I, p. 274.