1675maigre que j’avois passé ici, et je demandai jeudi au soir à ma mère : « Madame, comment faites-vous les vendredis ? — Mon fils, je prends une beurrée, et je chante. » Ce qu’il y a de bon ou de mauvais, c’est que cela est au pied de la lettre.
Ma mère vous conseille d’écrire un mot à Mme de la Fayette, sur l’abbaye[1] que le Roi lui a donnée depuis peu. Elle l’en alla remercier mercredi dernier : Sa Majesté reçut son compliment avec beaucoup d’honnêteté ; elle lui embrassa les genoux avec la même tendresse, qui lui fit verser des larmes pour le péril que Monsieur le Duc devoit courir dans cinq ou six mois[2]. Elle vit Mme de Montespan ; M. du Maine lui parla, et tant de prospérités ont valu à ma mère une lettre de deux pages[3] : voici qui est un peu Ravaillac.
Adieu, ma petite sœur, aimez-moi toujours un peu, et obtenez-moi la même grâce de M. de Grignan : dites-lui que je l’honore, que je l’aime, et que ne pouvant l’imiter par les qualités aimables, je tâche au moins à faire en sorte que ma barbe ressemble à la sienne, autant qu’il est en mon pouvoir ; trop heureux si je pouvois lui donner la couleur du corbeau, qui le fait paroître à vos yeux et aux miens un parfait Adonis.
La divine Plessis est toujours malade ; c’est aujourd’hui le jour de notre accès : plaignez-nous, car il doit être long ; peut-être qu’il commencera dès dix heures. Nous avons eu tous ces derniers jours, en sa place, une
- ↑ Voyez la lettre du 1er décembre précédent, p. 255, note 6.
- ↑ Il y a jours, au lieu de mois, dans l’édition de la Haye (1726).
- ↑ Il ne fallait rien moins que toutes ces prospérités pour déterminer Mme de la Fayette à écrire une lettre aussi longue. Elle écrivait à Mme de Sévigné, le 30 juin 1673 : « Je vous aimerai autant, en ne vous écrivant qu’une page en un mois, que vous, en m’en écrivant dix en huit jours. » (Note de l’édition de 1818.)