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1675familières[1]. Il vint donc une grande assemblée de recteurs[2] pour assister à la cérémonie de notre chapelle. M. du Plessis[3] étoit parmi. Je crus qu’il étoit à propos de parler des gens du métier, et je commençai par demander des nouvelles de M. de Villebrune[4]. On me dit qu’il étoit réfugié en basse Bretagne, et qu’il avoit perdu son bénéfice. Là-dessus me voilà à prendre la parole, et à dire[5] que je m’étois bien douté qu’il ne le garderoit guère, et qu’il se trouveroit bientôt quelque drôle éveillé qui le lui ôteroit, et puis je me mets sur la friperie de Villebrune ; j’assure que des capucins m’en ont parlé d’une étrange manière ; que sa vie rendoit croyable tout ce qu’on m’en avoit dit, et qu’un compère qui avoit jeté le froc aux orties ne devoit pas être de trop bonnes mœurs. Ce beau discours faisoit deux fort bons effets : le premier, c’est que l’abbé du Plessis est ce drôle éveillé qui par une ingratitude horrible a fait perdre le bénéfice à Villebrune ; et le second, c’est que le recteur de Bréal[6], qui faisoit la cérémonie, a été capucin lui-même : ainsi mes paroles étoient une épée tranchante à deux côtés, selon les paroles de l’Apocalypse[7], dont je ne croyois pas que la lecture dût jamais produire cet effet en moi. Autre érudition : vendredi dernier étoit le premier jour

  1. C’est le texte de 1726. Dans les éditions de Perrin : « ne me sont pas extrêmement familières. »
  2. « Recteur signifie en Bretagne et dans quelques autres provinces un curé qui gouverne une paroisse. Dans ces endroits où le curé d’une paroisse s’appelle recteur, on donne le nom de curé à celui qu’on appelle ailleurs vicaire. » (Dictionnaire de Trévoux.)
  3. L’abbé du Plessis était-il de la famille du Plessis d’Argentré ?
  4. Ce Villebrune, après avoir été capucin, se fit médecin. Mme de Sévigné l’aimait beaucoup en cette dernière qualité. Il faut voir sur son bénéfice la lettre du 3 juillet 1676. (Note de l’édition de 1818.)
  5. « Et à dire » manque dans les éditions de 1726.
  6. Paroisse située à une lieue des Rochers.
  7. Chapitre 1er, verset 16.