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1675j’eus de revenir ici de Vitré dimanche en paix et en repos, après deux jours de discours, de révérences, de patience à écouter des choses qui sont préparées pour Paris. J’eus pourtant le plaisir d’en contester quelques-unes, comme le bal de Monsieur de Saint-Malo aux états. Mme de Tarente rioit fort de me voir échauffée, et pleine de toutes mes raisons pour l’improuver ; mais enfin j’aime mieux être dans ces bois, faite comme les quatre chats (hélas vous en souvient-il ? ), que d’être à Vitré avec l’air d’une madame. La bonne princesse alla à son prêche[1] ; je les entendois tous qui chantoient des oreilles[2], car je n’ai jamais entendu des tons comme ceux-là : je sentis un plaisir sensible d’aller à la messe ; il y avoit longtemps que je n’avois senti de la joie d’être catholique. Je dînai avec le ministre[3] ; mon fils disputa comme un démon. J’allai à vêpres pour le contrecarrer ; enfin je compris la sainte opiniâtreté du martyre. Mon fils est allé à Rennes voir le gouverneur, et nous avons fait cette nuit nos dévotions dans notre belle chapelle. J’ai encore cette petite fille qui est fort jolie[4] ; sa maison est au bout de ce parc ; sa mère est fille de la bonne femme Marcille, vous ne vous en souvenez pas ; sa mère est à Rennes ; je l’ai retenue : elle joue

  1. LETTRE 482 (revue en très-grande partie sur une ancienne copie). — Après la destruction du temple protestant de Vitré, qui eut lieu en 1671, en vertu d’un arrêt du conseil, l’église Notre-Dame fut partagée entre les catholiques et les réformés ; les premiers se réunissaient dans le chœur et les protestants dans la nef. On voit encore une immense cloison qui partage en. deux l’édifice, et une chaire en pierre sculptée, extérieure et destinée aux prédications des ministres, de laquelle ils s’adressaient à leurs sectateurs réunis dans le cimetière.
  2. Il est dit dans une note de Perrin que chanter des oreilles est une expression de Panurge. Nous ne l’avons pas trouvée dans Rabelais.
  3. Pierre Besly. M. du Bois le nomme dans ses Recherches nouvelles, Paris, Techener, 1838, in-8o, p. 79.
  4. Charles de Sévigné en parle à sa sœur à la un de la lettre du 15 décembre précédent. Voyez ci-dessus, p. 283.