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1675et toutes les fois que la nuit étend ses sombres voiles, il se souvient de l’objet aimé et de sa communauté[1].

Je vous remercie, ma bonne, de conserver quelque souvenir del paterno nido[2]. Hélas ! notre château en Espagne seroit de vous y voir : quelle joie ! et pourquoi seroit-il impossible de vous revoir encore dans ces belles allées ? M. de Grignan n’y trouveroit personne qui eût la malice de rétrécir sa camisole : songez que j’y fais rétrécir mon corps de jupe. Vous dites que c’est qu’il est vieux ; cela pourroit bien être ; mais enfin je n’engraisse pas ; l’envie ne mourra jamais. Que dites-vous du mariage de la Mothe[3] ? La beauté, la jeunesse, la conduite font-elles quelque chose pour bien établir les demoiselles ? Ah, Providence il faut en revenir là. Mme de Puisieux est

  1. Voyez le commencement de la lettre du 27 novembre précédent, p. 249.
  2. Du nid paternel. Le Tasse (chant I, stance XXII, de la Jérusalem délivrée) a dit dans un sens analogue : nido nativo.
  3. Anne-Lucie, fille d’Antoine de la Mothe, marquis d’Houdancourt, frère aîné du maréchal ; elle épousa, au mois de janvier suivant, René-François, marquis de la Vieuville, chevalier d’honneur de la Reine, gouverneur du Poitou. Elle mourut en février 1689. — Mme de Scudéry écrit à Bussy à propos de ce mariage : « Les larmes de Mlle de la Mothe en se mettant au lit, firent rire tout le monde. La voilà pourtant mieux établie que toutes celles qui ont le plus de soin de leur conduite. » Et Bussy lui répond : « Les larmes de la la Mothe le jour de ses noces sont effectivement fort ridicules ; car c’est une vieille fille qui épouse un jeune garçon, riche et avec des établissements et des honneurs, que vraisemblablement elle ne devoit pas épouser ; et d’ailleurs il y a grande apparence que ses larmes ne venoient pas de la peine qu’ont la plupart des filles qui n’ont pas été nourries à la cour, de se trouver la première fois à la discrétion d’un homme. » (Correspondance de Bussy, tome III, p. 127 et suivantes.)