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1675Mais c’est entre vous et moi, la belle ; car je sais fort bien comme il faut dire ailleurs : vous êtes fidèle et discrète. Vous me paroissez avoir bien envie d’aller à Grignan : c’est un grand tracas ; mais vous recevrez mes conseils quand vous en serez revenue. Mes baisemains à ces deux hommes qui sont chez eux il y a plus d’un mois, m’ont fait rire. Cette barbe de M. de Grignan, qui l’empêchoit de me baiser d’un gros quart d’heure, est apparemment achevée de raser : La longueur de nos réponses fait frayeur ; elle fait bien comprendre l’horrible distance qu’il y a entre nous : ah ! ma bonne, que je la sens, et qu’elle fait bien toute la tristesse de ma vie ! Sans cela, ne serois-je point trop heureuse avec un joli garçon comme celui que j’ai ? Il vous dira lui-même. s’il ne souffre pas d’être éloigné de vous.

Adieu, ma très-chère et très-aimable bonne. Parlez-moi de votre santé et de votre beauté, tout cela me plaît. Je me porte comme vous pouvez le desirer. J’attendois votre frère ; il n’est point arrivé. C’est une fragile créature : encore s’il se marioit pendant son voyage ; mais je suis assurée qu’on le retient pour rien du tout : s’il se divertit, il est bien. Adieu, ma très-chère et très-aimable