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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/325

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1676sortes de nouvelles me pourroient être plus chères ? Tout ce que je crains, c’est qu’on ne trouve que la sagesse de la Provence fait plus de bruit que la sédition des autres provinces. Je vous remercie de vos nouvelles de Languedoc : en quatre lignes vous m’avez instruite de tout. Mais que vous avez bien fait de m’expliquer pourquoi vous êtes à Lambesc ! car je ne manquois point de dire : « Pourquoi est-elle là ? » Je loue le torticolis qui vous a empêchée d’avoir la fatigue de manger avec ces gens-là ; vous avez fort bien laissé paître vos bêtes[1] sans vous. Je n’oublierai jamais l’étonnement que j’eus quand j’y étois à la messe de minuit, et que j’entendis un homme chanter un de nos airs profanes au milieu de la messe : cette nouveauté me surprit beaucoup.

Vous aurez lu les Essais de morale : en êtes-vous contente ? L’endroit de Josèphe que vous me dites est un des plus beaux qu’on puisse jamais lire : il faut que vous avouiez qu’il y a une grandeur et une dignité dans cette histoire, qui ne se trouve en nulle autre. Si vous ne me parliez de vous et de vos occupations, je ne vous donnerois rien du nôtre, et ce seroit une belle chose que notre commerce. Quand on s’aime, et qu’on prend intérêt les uns aux autres, je pense qu’il n’y a rien de plus agréable que de parler de soi : il faut retrancher sur les autres pour faire cette dépense entre amis. Vous aurez vu, par ce que vous a mandé mon fils de notre voisine[2], qu’elle n’est pas de cette opinion : elle nous instruit agréablement de tous les détails dont nous n’avons aucune curiosité. Pour nos soldats, on gagneroit beaucoup qu’ils

  1. Une chanson du temps, sur l’air de laquelle Coulanges a mis plusieurs des siennes, commence par ces mots :
    Laissez paître vos bêtes.
  2. Mlle du Plessis. (Note de Perrin.)