Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 333 —


1676ils tiroient à qui se poignarderoit le dernier[1] ? Il s’en faut bien que vous ne soyez si heureuse au jeu : perdre toujours et tous les jours, le mari et la femme, tout ce qu’on peut perdre, c’est un caprice de la fortune qui m’offense et qui m’impatiente.

Nous avons ri aux larmes de cette fille qui chanta tout haut à l’église cette chanson gaillarde qu’elle se confessoit avoir chantée ailleurs : rien au monde n’est plus nouveau ni plus plaisant ; je trouve qu’elle ne pouvoit faire autrement : le confesseur la vouloit entendre, puisqu’il ne se contentoit pas de l’aveu qu’elle lui en avoit fait. Je vois le bonhomme pâmé de rire le premier de cette aventure. Nous vous mandons souvent des folies ; mais nous ne pouvons payer celle-là. Je vous parle toujours de notre Bretagne : c’est pour vous donner la confiance de me parler de Provence ; c’est un pays auquel je m’intéresse plus qu’à nul autre : le voyage que j’y ai fait m’empêche de pouvoir m’ennuyer de tout ce que vous me dites, parce que je connois tout et comprends tout le mieux du monde. Je n’ai pas oublié la beauté de vos hivers ; nous en avons un admirable : je me promène tous les jours, et je fais quasi un nouveau parc autour de ces grandes places du bout du mail ; j’y fais planter quatre rangs d’allées, ce sera une très-belle chose : tout cet endroit est uni et défriché.

Je partirai, malgré tous ces charmes, dans le mois de février ; les affaires de l’abbé le pressent encore plus que

  1. Dans la traduction d’Arnauld d’Andilly se trouve, avec d’autres opuscules, la Vie de Josèphe écrite par lui-même. — Après la prise de Jotapat, Josèphe se réfugie dans une caverne, où il rencontre quarante des siens, qui prennent la résolution de se tuer plutôt que de se rendre au vainqueur. Il leur persuade de jeter le sort pour être tués par leurs compagnons, et non pas par eux-mêmes. Étant demeuré seul en vie avec un autre, il se rend aux Romains. Voyez l’Histoire de la guerre des Juifs contre les Romains, livre III, chap. xxiv-xxvi.