Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/338

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1676jaloux comme ils sont quelquefois (au moins on le disoit de mon temps), qu’il leur prît une fantaisie de ne vouloir point être seuls à jouir de l’amitié de leur maîtresse, et que leur plus grand soin fût d’en faire part à leur meilleur ami ; cette mode n’est point encore introduite : quelquefois les dames ne s’éloignent pas de cette bonté de naturel ; mais voyez où je m’égare. Revenons aux Essais : vous ne les aviez pas, et vous êtes fort aise d’avoir ce livre. Quand on l’auroit fait pour vous, il ne seroit pas plus digne de vous plaire. Quel langage ! quelle force dans l’arrangement des mots ! on croit n’avoir lu de françois que ce livre, et cette ressemblance de la charité à l’amour-propre, et de la modestie héroïque de Monsieur le Prince et de M. de Turenne, comparés avec l’humilité du christianisme[1]. Mais je coupe court sur ce livre, car je le louerois depuis un bout jusqu’à l’autre et ce ne seroit plus une lettre, mais une dissertation. En un mot, je suis fort aise qu’il vous plaise ; j’en estime mon goût. Pour Josèphe, vous n’aimez pas sa vie ; c’est assez que vous ayez approuvé ses actions et son histoire : n’avez-vous point trouvé qu’il jouoit d’un grand bonheur dans cette cave, où

  1. LETTRE 491 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — « Ceux qui ont ouï parler de la guerre aux deux premiers capitaines de ce siècle, ont toujours été ravis de l’honnêteté et de la modestie de leurs discours…. Qu’on lise le récit qui courut à Paris après la bataille de Senef, on y trouvera cette grande action diminuée de moitié. Il semble que Monsieur le Prince en ait été simple spectateur. Il étoit partout et il ne paroît presque nulle part ; et jamais rien ne fut plus obscurci que ce qu’il a contribué au succès de ce combat. Je m’imagine que si saint Louis envoyoit autrefois des relations de ce qu’il fit en Égypte, elles étoient faites comme celle-là : tant la sainteté et l’honnêteté ont de rapport dans leurs actions extérieures, et tendent également à empêcher qu’il n’y paroisse rien de vain, etc. » Voyez tome III des Essais, second traité, de la Charité et de l’Amour-propre, chap. v.