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1676qui sont enflées, qu’il ne faut pas se jouer à la faire rentrer. C’est la santé qui revient, et il n’y a que ce moyen de guérir ses mains, ses pieds et ses jarrets. Il n’y a plus de fièvre ; encore un peu de douleur, et beaucoup d’enflure : voilà le véritable état de notre maman mignonne. Ne croyez point qu’on n’ait pas eu soin d’elle, et qu’elle ait été abandonnée ; il y a à Vitré un très-bon médecin : elle a été saignée du pied en perfection ; enfin elle est aussi bien qu’à Paris ; et ce qu’il y a de bon est qu’elle le trouve elle-même, et qu’elle est fort en repos de ce côté-là ; enfin il n’y auroit plus qu’à rire, si on pouvoit trouver l’invention de la faire demeurer dans son lit sur les fesses d’un autre ; mais comme, par malheur, c’est toujours sur les siennes, elle en souffre présentement ses plus grandes incommodités. La maladie a été rude et douloureuse pour la première qu’elle ait eue en sa vie ; mais comme c’est presque une nécessité d’être malade cette année, il vaut[1] incomparablement mieux qu’elle ait eu ce rhumatisme, quelque cruel et douloureux qu’il ait été, qu’un de ces rhumes sur la poitrine qui ont tant couru, surtout dans un pays où la saignée du bras auroit presque été impossible. Enfin, nous trouvons tous les jours de la consolation à notre misère, et nous sentons quasi plus vivement le plaisir de voir ma mère les deux bras empaquetés dans vingt serviettes, et ne se pouvant soutenir sur ses jarrets, que nous ne sentions celui de la voir se promener et chanter du matin au soir dans nos allées. La petite personne qui est ici, quand elle voyoit les douleurs de ma mère augmenter vers le soir, n’y entendoit point d’autre finesse que de pleurer : voilà où elle en est ; elle est toujours l’objet de la jalousie de la Plessis, qui se fait un

  1. LETTRE 495. — « Cependant, si c’est en quelque sorte une nécessité d’être malade cette année, il vaut, etc. » (Édition de 1754.)