Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 345 —


1676mérite auprès de ma mère de la haïr comme le diable. Voici ce qui s’est passé aujourd’hui : ma mère s’assoupissoit doucement dans son lit, et la petite fille, le bon abbé et moi nous étions auprès du feu ; la Plessis est entrée, on lui a fait signe d’aller doucement, et elle a obéi très-ponctuellement. Comme elle étoit au milieu de la chambre, ma mère a toussé et a demandé vite son mouchoir pour cracher ; la petite fille et moi, nous nous sommes levés pour y aller ; mais la Plessis nous a prévenus, elle a couru au lit, et au lieu de porter le mouchoir à la bouche de ma mère, elle lui a pincé le nez d’une force qui a fait crier les hauts cris à la pauvre malade ; elle[1] n’a pu s’empêcher de renasquer[2] un peu contre le zèle indiscret qui avoit causé ce transport ; et puis on s’est mis à rire. Si vous aviez vu cette petite comédie vous n’auriez pu vous en empêcher.

Adieu, ma petite sœur n’ayez ni peine ni frayeur de ce qui se passe ici ; avant que cette lettre[3] soit à vous, ma mère se promènera un peu dans le jardin ; s’il arrive quelque chose d’extraordinaire entre ci et demain, on vous le mandera avant que de fermer le paquet. Ce qui nous ravit, c’est qu’à l’heure qu’il est, il ne sauroit rien arriver que de bon. J’embrasse de tout mon cœur M. de Grignan.

  1. Au lieu de ce pronom, on lit ma mère dans l’édition de 1754.
  2. « Renasquer, faire certain bruit en retirant impétueusement son haleine par le nez, lorsqu’on est en colère. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
  3. « Nous espérons qu’avant que cette lettre, etc. » (Édition de 1754.)
    ____________