Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 366 —


1676se laver les jambes deux heures durant, étant grosse de huit mois : l’on vous pardonne pourtant, puisque vous vous en portez bien, et que les lettres que nous avons reçues de vous, de M. de Grignan et de la petite Dague, nous ôtent toute. sorte d’inquiétude. Quelque douce pourtant que fût la manière de nous apprendre cette nouvelle, ma mère en fut émue à un point qui nous fit beaucoup de frayeur. Nous jouions au reversis, quand les lettres arrivèrent ; l’impatience de ma mère ne lui permit pas d’attendre que le coup fût fini pour ouvrir votre paquet ; elle le fit ouvrir à M. du Plessis[1], qui étoit spectateur. Il commença par la lettre de la Dague pour moi ; et à ce mot d’accouchement qui étoit sur le dessus, quoique le dedans fût fort gaillard, elle ne put s’empêcher d’avoir une émotion extraordinaire : c’est un des restes que sa maladie lui a laissés ; le sujet en étoit bien juste ; mais le caractère enjoué de la Dague nous rassura tous en un moment, hormis ma mère qui eut besoin de voir de votre écriture. Je supplie Monsieur de Grignan de recevoir ici les compliments que je lui fais sur votre santé[2], et les vœux très-sincères que je fais pour la vie de son fils. Il n’en doit pas douter, pour peu qu’il me fasse l’honneur de juger un peu de moi par lui-même ; et cela est encore bien éloigné des larmes dont il m’honora quand on lui dit de mes nouvelles il y a dix-huit mois[3]. Pour la Dague, je ne lui dis rien, j’attends à me venger de toutes ses injures que je me sois caché à Grignan, dans cet escalier où le vent fait de si bons effets. Je vous embrasse mille fois,

  1. Le père de Mlle du Plessis d’Argentré.
  2. « De recevoir ici mes compliments sur votre bonne santé. » (Édition de 1754.)
  3. À l’occasion du combat de Senef, où Charles de Sévigné courut les plus grands dangers. Voyez la lettre du 15 août et celle du 25 septembre 1674, p. 410, 411 et 416 du tome III.