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1676Voilà donc mon petit secrétaire, aimable et joli, qui vient au secours de ma main tremblotante. Je vous aime trop, mon enfant, de m’offrir[1] de venir passer l’été avec moi : je crois fermement que vous le feriez comme vous le dites ; et sans les petites incommodités que j’ai, car un rhumatisme est une chose sur quoi je veux faire un livre, je me résoudrois fort agréablement à voir partir le bon abbé dans quinze jours, et à passer l’été dans ce beau désert avec une si divine compagnie ; mais l’affaire de M. de Mirepoix me décide ; car franchement je crois que j’y serai bonne. Je m’en irai donc clopin-clopant, à petites journées, jusqu’à Paris. Je disois pendant mon grand mal que si vous eussiez été libre, vous étiez une vraie femme, sachant l’état où j’étois, à vous trouver un beau matin au chevet de mon lit. Voyez, ma chère, quelle opinion j’ai de votre amitié, et si ma confiance n’est point comme vous la pouvez desirer. Je vous avoue, mon enfant, que je suis ravie de votre bonne santé : elle me donne du courage pour perfectionner la mienne ; sans cela j’aurois tout abandonné : il y a trop d’affaires de se tirer d’un rhumatisme ; mais j’entrevois tant de choses qui peuvent me donner la joie de vous voir et de vous servir dans vos affaires, que je ne balance point à mettre tout mon soin au rétablissement parfait de ma santé. Je prends goût à la vie du petit garçon ; je voudrois bien qu’il ne mourut pas. Vous me faites une peinture de Vardes qui est divine ; vous ne devez point souhaiter Bandol[2] pour la faire, votre pinceau vaut celui de Mi-

  1. « Ma fille, vous êtes trop aimable de m’offrir. » (Édition de 1754.)
  2. Voyez tome II, p. g8, note 4, et p. 131. Dans l’édition de 1754 : « Vous ne devez souhaiter personne pour la faire. »