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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/382

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1676gnard. J’aurois cru, au récit du décontenancement de Vardes, qu’il étoit rouillé pour quelqu’un ; mais je vois bien, puisqu’il n’y avoit que vous, que l’honneur de cet embarras n’est dû qu’à onze années de province[1]. Je trouve que le cardinal de Bonzi ne doit pas se plaindre, quand on ne dit que cela de ses yeux[2]. Je suis fâchée que le bonhomme Sannes[3] se soit fait enterrer ; c’étoit un plaisir que de le voir jouer au piquet, aussi sec qu’il l’est présentement :

Combatteva tuttavia, ed era morto[4].

J’ai bien envie que vous fassiez réponse à la bonne princesse : il me semble que vous n’avez pas assez senti l’honnêteté de sa lettre. Mandez-moi, ma très-chère, en quel état vous êtes relevée, si vous avez le teint beau : j’aime à savoir des nouvelles de votre personne. Pour moi, je vous dirai que mon visage, depuis quinze jours est quasi tout revenu ; je suis d’une taille qui vous surprendroit ; je prends l’air, et me promène sur les pieds de derrière, comme une autre ; je mange avec appétit (mais j’ai retranché le souper entièrement pour jamais[5]) : de sorte, ma fille, qu’à la réserve de mes mains, et de quelque douleur par-ci, par-là, qui va et vient, et me fait souvenir agréablement du cher rhumatisme, je ne suis plus digne d’aucune de vos inquiétudes. N’en ayez

  1. M. de Vardes étoit exilé de la cour depuis plusieurs années, dans son gouvernement d’Aigues-Mortes en Languedoc. (Note de Perrin, 1754.)
  2. Ce passage, depuis : « J’aurois cru, etc., » manque dans l’édition de 1734.
  3. Conseiller au parlement d’Aix. (Note de Perrin, 1734.) — Voyez la lettre du 2 février précédent, p. 35a.
  4. Il combattait toujours, et il était mort.
  5. « Mais j’ai retranché le souper pour toujours. » (Édition de 1754.)