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1676Corbinelli dit que je n’ai point d’esprit quand je dicte, et sur cela il ne m’écrit plus. Je crois qu’il a raison : je trouve mon style lâche ; mais soyez plus généreuse, ma fille, et continuez à me consoler de vos aimables lettres[1]. Je vous prie de compter les lunes pendant votre grossesse : si vous êtes accouchée un jour seulement sur la neuvième, le petit vivra ; sinon n’attendez point un prodige. Je pars mardi ; les chemins sont comme en été, mais nous avons une bise qui tue mes mains : il me faut du chaud, les sueurs ne font rien. Je me porte très-bien du reste, et c’est une chose plaisante de voir une femme avec un très-bon visage, que l’on fait manger comme un enfant : on s’accoutume aux incommodités,

Adieu, ma très-chère : continuez de m’aimer ; je ne vous dis point de quelle manière vous possédez mon cœur, et par combien de liens je suis attachée à vous. J’ai senti notre séparation pendant mon mal ; je pensois souvent que ce m’eût été une grande consolation de vous avoir. J’ai donné ordre pour trouver de vos lettres à Malicorne. J’embrasse le Comte, c’est-à-dire je le prie de m’embrasser. Je suis toute à vous, et le bon abbé aussi, qui compte et calcule depuis le matin jusqu’au soir, sans rien amasser, tant cette province a été dégraissée.




518. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Laval, mardi 24e mars.

Et pourquoi, ma chère fille, ne vous écrirois-je pas aujourd’hui, puisque je le puis ? Je suis partie ce matin

  1. Dans l’édition de 1734 : « par vos aimables lettres. »