Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 389 —


1676je vous conjure de n’en être plus en peine, et de songer à la vôtre. Vous qui prêchez si bien les autres, deviez-vous faire mal à vos petits yeux à force d’écrire ? La maladie de Montgobert en est cause : je lui souhaite une bonne santé, et je sens le chagrin que vous devez avoir de l’état où elle est. Je suis ravie que le petit enfant se porte bien : Villebrune dit qu’il vivra fort bien à huit mois, c’est-à-dire huit lunes passées.

Vous croyez que nous avons ici un mauvais temps : nous avons le temps de Provence ; mais ce qui m’étonne, c’est que vous ayez le temps de Bretagne. Je jugeois que vous l’aviez cent fois plus beau, comme vous croyiez que nous l’avions cent fois plus vilain. J’ai bien profité de cette belle saison, dans la pensée que nous aurons l’hiver dans le mois d’avril et de mai, de sorte que c’est l’hiver que je m’en vais passer à Paris. Au reste, si vous m’aviez vue faire la malade et la délicate dans ma robe de chambre, dans ma grande chaise[1], avec des oreillers, et coiffée de nuit, de bonne foi vous ne reconnoîtriez pas cette personne qui se coiffoit en toupet, qui mettoit son busc entre sa chair et sa chemise, et qui ne s’asseyoit que sur la pointe des sièges pliants : voilà sur quoi je suis changée. J’oubliois de vous dire que notre oncle de Sévigné est mort[2]. Mme de la Fayette commence présentement à hériter de sa mère[3]. M. du Plessis Guénégaud est mort aussi[4] : vous savez ce qu’il faut faire à sa femme.

  1. « Dans mon grand fauteuil. » (Édition de 1734.)
  2. Renaud de Sévigné, mort à Port-Royal, le 16 mars 1676. (Note de Perrin.)- — Voyez, tome III, p. 389, note 6, la Notice, p. 170, et les Mémoires d’Henri de Campion, p. 87, 118 et 137, édit. Janet.
  3. Elle avait épousé en secondes noces, en 1650, Renaud de Sévigné, qu’elle laissa veuf cinq ou six ans après : voyez Walckenaer, tome I, p. 225. Voyez aussi la Notice, p. 135 et 170.
  4. Il était mort à Paris le 16 mars précédent, à l’âge de soixante sept ans. Voyez tome I, p. 439, note 3.