Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/404

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1676Vous voulez que je vous parle de ma santé elle est très-bonne, hormis mes mains et mes genoux, où je sens quelques douleurs. Je dors bien, je mange bien, mais avec retenue ; on ne me veille plus : j’appelle, on me donne ce que je demande, on me tourne, et je m’endors. Je commence à manger de la main gauche : c’étoit une chose ridicule de me voir imboccar da i sergenti[1] ; et pour écrire, vous voyez où j’en suis maintenant[2]. Voilà ce qui me met au désespoir, car c’est une peine incroyable pour moi de ne pouvoir causer avec vous : c’est m’ôter une satisfaction que rien ne peut réparer. On me dit mille biens de Vichy, et je crois que je l’aimerai mieux que Bourbon par deux raisons : l’une, que Mme de Montespan va à Bourbon, et l’autre, que Vichy est plus près de vous[3] ; que si vous y veniez, vous auriez moins de peine, et que si l’abbé changeoit d’avis, nous serions plus près de Grignan. Enfin, ma très-chère, je reçois dans mon cœur la douce espérance de vous voir ; c’est à vous à disposer de la manière, et surtout que ce ne soit pas pour quinze jours, car ce seroit trop de peine et trop de regret pour si peu de temps. Vous vous moquez de Villebrune ; il ne m’a pourtant rien conseillé que l’on ne me conseille ici. Je m’en vais faire suer mes mains ; et pour l’équinoxe, si vous saviez l’émotion qui arrive quand ce grand

  1. « Mettre les morceaux à la bouche par les sergents (les serviteurs). ».
  2. Mme de Sévigné commençoit à reprendre son écriture ordinaire, mais d’une main encore mal assurée. (Note de Perrin, 1754.) — Dans l’édition de 1734, on lit simplement : « c’étoit une chose ridicule de me voir vous écrire. »
  3. Ceci paraît être à moitié sérieux, à moitié plaisant. Bourbon est en effet plus près de la Provence que Vichy, mais la différence n’est pas bien grande. Les deux villes sont aujourd’hui, comme l’on sait, dans le même département Bourbon, à un peu moins de quatre lieues à l’ouest de Moulins ; Vichy, à quinze lieues au sud.