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de charles de sévigné.


Je vais partir de cette ville,
Je m’en vais mercredi tout droit à Charleville,
Malgré le chagrin qui m’attend[1]..

Je n’ai pas jugé à propos d’achever ce couplet[2], parce que voilà toute mon histoire dite en trois vers. Vous ne sauriez croire la joie que j’ai de voir ma mère en l’état où elle est. Je vous ordonne toujours d’aller la voir à Bourbon ; vous pourrez fort bien revenir ici avec elle, en attendant que M. de Grignan vous rapporte votre lustre, et vous fasse reparoître comme la gala del pueblo, la flor del abril[3]. Si vous suivez mon avis, vous serez bien plus heureuse que moi : vous verrez ma mère, sans avoir le chagrin de la quitter dans deux ou trois jours, lequel chagrin est d’ordinaire accompagné de plusieurs autres qui sont aisés à deviner. Enfin, me revoilà encore guidon, guidon éternel, guidon à barbe grise : ce qui me console, c’est que toutes les choses de ce monde prennent fin, et qu’il n’y a pas d’apparence que celle-là seule soit exceptée de la loi générale. Adieu, ma belle petite sœur, souhaitez-moi un heureux voyage : je crains bien que l’âme intéressée de M. de Grignan ne vous en empêche ; cependant, je compte comme si tous deux vous aviez quelque envie de me revoir.

de madame de sévigné.

Adieu, ma chère bonne j’embrasse ce Comte et le

  1. C’est une nouvelle parodie des Adieux de Cadmus. Voyez plus haut, p. 125, note 16.
  2. Dans les éditions de 1726 : « d’achever la parodie de ce couplet. »
  3. Mots espagnols, qui signifient : l’ornement de la cité, la fleur d’avril ou du printemps.