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qu’elle diroit pour elle. L’autre, d’un ton et d’un air tout aimable, et peut-être piquée de ce style : « Tout ce que vous voudrez, Madame, tout ce que vous voudrez. » Mettez dans cela toute la grâce, tout l’esprit et toute la modestie que vous pourrez imaginer. Après cela Quanto voulut manger ; elle donna une pièce de quatre pistoles pour acheter ce qu’il falloit pour une sauce, qu’elle fit elle-même, et qu’elle mangea avec un appétit admirable : je vous dis le fait sans aucune paraphrase. Quand je pense à une certaine lettre que vous m’écrivîtes l’été passé sur M. de Vivonne, je prends pour une satire tout ce que je vous envoie. Voyez un peu où peut aller la folie d’un homme qui se croiroit digne de ces hyperboliques louanges[1].

Je vous assure, Monsieur le Comte, que j’aimerois mille fois mieux la grâce dont vous me parlez que celle de Sa Majesté. Je crois que vous êtes de mon avis, et que vous comprenez aussi l’envie que j’ai de voir Madame votre femme. Sans être le maître chez vous comme le charbonnier[2], je trouve que, par un style tout opposé, vous l’êtes plus que tous les autres charbonniers du monde. Rien ne se préfère à vous, en quelque état que l’on puisse être ; mais soyez généreux, et quand on aura fait encore quelque temps la bonne femme, amenez-la vous-même par la main faire la bonne fille. C’est ainsi qu’on s’acquitte de tous ses devoirs, et le seul moyen[3]

  1. De tout ce passage, depuis « Après cela Quanto voulut manger, » les éditions de 1725 et de 1726 ne donnent que ce peu de mots : « Je vous dis le fait sans aucune paraphrase. »
  2. Voyez la lettre du 8 avril précédent, p. 396.
  3. C’est la leçon de toutes les éditions, hormis celle de 1754, où on lit : « et c’est le seul moyen. »