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1676sée seulement[1] d’aller jusques à Grignan. Voilà les endroits où l’on fait céder ses plus tendres sentiments à la reconnoissance.

Il vous reviendra cinq ou six cents pistoles de la succession de notre oncle de Sévigné[2], que je voudrois que vous eussiez tout prêt pour cet hiver. Je ne comprends que trop les embarras que vous pouvez trouver par les dépenses que vous êtes obligés de faire ; et je ne pousse rien sur le voyage de Paris, persuadée que vous m’aimez assez, et que vous souhaitez assez de me voir pour y faire au monde tout ce que vous pourrez. Vous connoissez d’ailleurs tous mes sentiments sur votre sujet, et combien la vie me paroît triste sans voir une personne que j’aime si tendrement. Ce sera une chose fâcheuse si M. de Grignan est obligé de passer l’été à Aix, et une grande dépense : de la manière dont on m’a parlé, l’article de votre jeu n’est pas médiocre sur votre dépense[3] (j’admire la fortune) ; et c’est le jeu qui soutient M. de la Trousse.

Vous avez donc été saignée ; la petite main tremblante de votre chirurgien me fait trembler. Monsieur le Prince disoit une fois à un nouveau chirurgien : « Ne trembles-tu point de me saigner ? — Pardi, Monseigneur, c’est à vous de trembler. » Il disoit vrai. Vous voilà donc revenue du café : Mlle de Méri l’a aussi chassé de chez elle honteusement : après de telles disgrâces, peut-on compter sur la fortune ? Je suis persuadée que ce qui échauffe est plus sujet à ces sortes de revers que ce qui

  1. C’est-à-dire la pensée même. La leçon de 1754 éclaircit la phrase : « en lui sacrifiant jusqu’à la pensée d’aller à Grignan. »
  2. Voyez ci-dessus la lettre du 22 mars précédent, p. 389.
  3. C’est le texte de 1734. Perrin a ainsi corrigé la phrase dans sa seconde édition : « et une grande dépense, ne fût-ce qu’à cause du jeu, qui fait un article de la vôtre assez considérable. »