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1676pour la recevoir. On lui vient demander des charités pour les églises[1] ; elle jette beaucoup de louis d’or partout fort charitablement et de fort bonne grâce. Elle a tous les jours du monde un courrier de l’armée : elle est présentement à Bourbon. La Tarente, qui doit y être dans deux jours, me mandera le reste, et je vous l’écrirai. Vous ai-je mandé que ce favori du roi de Danemark[2], amoureux romanesquement de la princesse, est prisonnier, et qu’on lui fait son procès ? Il avoit un petit dessein seulement : c’étoit de se faire roi, et de détrôner son maître et son bienfaiteur. Vous voyez que cet homme n’avoit pas de médiocres pensées : M. de Pompone m’en parloit l’autre jour comme d’un Cromwell.

Le bel abbé vous aura mandé comme le chevalier a obtenu de Sa Majesté, sans nulle peine, les lods et ventes d’Entrecasteaux[3] pour M. de Grignan. Nous avons été

  1. L’édition de 1754 ajoute : « et pour les pauvres, » sans doute à cause de charités qui précède. Ces mots ne sont ni dans le manuscrit ni dans l’édition de 1734.
  2. Voyez ci-dessus, p. 156, note 7. — La Gazette du 11 avril annonce en ces termes l’arrestation de Griffenfeld, sous la rubrique de Copenhague, le 24 mars 1676 : « Le 21 de ce mois (de mars), Sa Majesté danoise fit arrêter le comte de Griffenfeld, grand chancelier de ce royaume, comme il montoit à cheval pour se rendre au château ; et on le mena en la bibliothèque de Sa Majesté danoise, d’où, deux heures après, il fut conduit sur une chaloupe en la citadelle. » Dans son numéro du 18 avril, la Gazette ajoute, en date du 31 mars : « Le bruit court qu’il est accusé d’avoir été la cause de quelques mauvais succès dans la Norvège; mais il y a quelque apparence que ses grands biens peuvent être le principal et le plus véritable motif de sa détention. »
  3. Entrecasteaux, près de Brignole (Var). Voyez la lettre des 11 et 12 août suivants. — Le terme de jurisprudence féodale lods et ventes est ainsi défini dans le Dictionnaire universel de Furetière (1690) : « C’est un droit en argent que doit un héritage roturier au seigneur dont il relève immédiatement, quand on en fait la vente, en considération de la permission qu’il est présumé donner au vassal pour aliéner son héritage. »