Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 458 —


1676que la douche que je crains. Mme de Brissac avoit aujourd’hui la colique ; elle étoit au lit, belle et coiffée à coiffer tout le monde : je voudrois que vous eussiez vu ce qu’elle faisoit de ses douleurs et l’usage qu’elle faisoit de ses yeux, et des cris, et des bras, et des mains qui traînoient sur sa couverture, et les situations, et la compassion qu’elle vouloit qu’on eût : chamarrée de tendresse et d’admiration, j’admirai cette pièce et je la trouvai si belle, que mon attention a dù paroître un saisissement dont je crois qu’on me saura bon gré ; et songez que c’étoit pour l’abbé Bayard, Saint-Hérem, Montjeu[1] et Plancy, que la scène étoit ouverte. En vérité, vous êtes une vraie pitaude[2] : quand je songe avec quelle simplicité vous êtes malade, le repos que vous donnez à votre joli visage, et enfin quelle différence, cela me paroît plaisant. Au reste, je mange mon potage de la main gauche, c’est une nouveauté. On me mande toutes les prospérités de Bouchain, et que le Roi revient incessamment : il ne sera pas seul par les chemins. Vous me parliez l’autre jour de M. Courtin[3] : il est parti pour l’Angleterre. Il me paroît qu’il

  1. Gaspard Jeannin de Castille, marquis de Montjeu (voyez tome III, p. 151, note i), conseiller au parlement de Metz. Il épousa en 1678 Louise-Diane Dauvet, fille du comte des Marets, le grand fauconnier ; de ce mariage naquit une fille unique qui épousa en 1705 le prince d’Harcourt (duc de Guise. en 1718) et fut mère. des duchesses de Bouillon et de Richelieu. Jeannin de Castille mourut le 3 mars iH88, et sa femme en 1717.
  2. « Pitaud, pitaude, terme injurieux, qu’on dit aux gens rustres, grossiers et incivils, qui ont des manières de paysans. Autrefois il se disoit des soldats, qui étoient en effet des paysans qu’on levoit pour mener à la guerre, et qu’on appeloit aussi pitaux. » (Dictionnaire de Furetière.)
  3. Antoine de Courtin, conseiller au parlement de Normandie et conseiller d’État, né à Riom en 1622, était fils d’Antoine Courtin, greffier en chef au bureau des finances de la généralité d’Auvergne, et plus tard conseiller d’État. Il passa en Suède en 1645, avec l’ambassadeur Chanu. Dans l’été de 1646, il accompagna la duchesse de