Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/473

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1676ne faire jamais de pareilles lectures: je ne sais où vous prenez tout ce que vous dites ; mais cela est d’un agrément et d’une justesse à quoi on ne s’accoutume pas. Vous avez raison de croire que j’écris sans effort, et que mes mains se portent mieux : elles ne se ferment point encore, et les dedans de la main sont fort enflés, et les doigts aussi. Cela me fait trembloter, et me fait de la plus méchante grâce du monde dans le bon air des bras et des mains mais je tiens très-bien une plume, et c’est ce qui me fait prendre patience[1]. J’ai commencé aujourd’hui la douche : c’est une assez bonne répétition du purgatoire. On est toute nue dans un petit lieu sous terre, où l’on trouve un tuyau de cette eau chaude, qu’une femme vous fait aller où vous voulez. Cet état où l’on conserve à peine une feuille de figuier pour tout habillement, c’est une chose assez humiliante. J’avois voulu mes deux femmes de chambre, pour voir encore quelqu’un de connoissance. Derrière le rideau se met quelqu’un qui vous soutient le courage pendant une demi-heure ; c’étoit pour moi un médecin de Ganat[2], que Mme de Noailles[3] a mené à toutes ses eaux, qu’elle aime fort, qui est un fort honnête garçon, point charlatan ni préoccupé de rien, qu’elle m’a envoyé par pure et bonne amitié. Je le retiens, m’en dût-il coûter mon bonnet ; car ceux d’ici me sont insupportables : cet homme m’amuse. Il ne ressemble point à un vilain médecin, il ne ressemble point aussi à celui de Chelles[4] ; il a de l’esprit,

  1. « Cela me fait trembler, et me donne la plus mauvaise grâce du monde dans l’air des bras et des mains : une circonstance qui me console un peu, c’est que je tiens ma plume sans peine. » (Édition de 1754.)
  2. Ganat, petite ville près de Vichy.
  3. Voyez tome III, p. 227, note 15.
  4. Voyez la lettre du 6 mai précédent, p. 432, note 4.