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1676heure où l’on se trouve à sec et fraîchement, et où l’on boit de l’eau de poulet fraîche ; je ne mets point ce temps au rang des plaisirs médiocres : c’est un endroit délicieux. Mon médecin m’empêchoit de mourir d’ennui : il me divertissoit à me parler de vous, il en est digne. Il s’en est allé aujourd’hui ; il reviendra, car il aime la bonne compagnie ; et depuis Mme de Noailles, il ne s’étoit pas trouvé à telle fête. Je m’en vais prendre demain une légère médecine, et puis boire huit jours, et puis c’est fait. Mes genoux sont comme guéris ; mes mains ne veulent pas encore se fermer ; mais pour cette lessive que l’on vouloit faire de moi une bonne fois, elle sera dans la perfection. Nous avons ici une Mme de la Barois[1] qui bredouille d’une apoplexie : elle fait pitié ; mais quand on la voit laide, point jeune, habillée de bel air, avec de petits bonnets à double carillon, et qu’on songe de plus qu’après vingt-deux ans de veuvage, elle s’est amourachée de M. de la Barois qui en aimoit une autre, à la vue du public, à qui elle a donné tout son bien, et qui n’a jamais couché qu’un quart d’heure avec elle, pour fixer les donations, et qui l’a chassée de chez lui outrageusement (voici une grande période) ; mais quand on songe à tout cela, on a extrêmement envie de lui cracher au nez.

On dit que Mme de Péquigny[2] vient aussi : c’est la Sibylle Cumée. Elle cherche à se guérir de soixante et seize ans, dont elle est fort incommodée : ceci devient

  1. LETTRE 545 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — On lit de la Barois dans le manuscrit ; de la Baroir, dans les deux éditions de Perrin.
  2. Claire-Charlotte d’Ailly, mère de Charles d’Albert, duc de Chaulnes. (Note de Perrin.) — D’après Moréri (qui l’appelle CharlotteEugénie) elle était née le 26 avril 1606, et mourut le 17 septembre 1681. — Voyez tome II, p. 242, note 14 ; voyez aussi la lettre du 11 juin suivant, p. 485 et 486 ; et celle du 25 août 1680.