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1676fantaisie je vous demandois cette inutilité. Je crois que c’étoit dans le transport de la reconnoissance de ce bon vin qui sent le fùt : vous étiez toujours sur vos pieds, pour lui dire supposé, et un autre mot encore que je ne retrouve plus. Pour notre pichon, je suis transportée de joie que sa taille puisse être un jour à la Grignan. Vous me le représentez fort joli, fort aimable ; cette timidité vous faisoit peur mal à propos. Vous vous divertissez de son éducation, et c’est un bonheur pour toute sa vie : vous prenez le chemin d’en faire un fort honnête homme. Vous voyez comme vous avez bien fait de lui donner des chausses ils sont filles, tant qu’ils ont une robe.

Vous ne comprenez point mes mains, ma chère fille : j’en fais présentement une partie de ce que je veux ; mais je ne les puis fermer qu’autant qu’il faut pour tenir une plume ; le dedans ne fait aucun semblant de vouloir se désenfler. Que dites-vous des restes agréables d’un rhumatisme ? Monsieur le Cardinal[1] me mandoit l’autre jour que les médecins avoient nommé son mal de tête un rhumatisme de membranes : quel diantre de nom ! À ce mot de rhumatisme, je pensai pleurer.

Je vous trouve fort bien pour cet été dans votre château. M. de la Garde doit être compté pour beaucoup ; je pense que vous en faites bien votre profit. J’ai fait sagement de vous empêcher la fatigue du voyage[2], et à moi la douleur de vous voir, pour vous dire adieu presque en même temps. Pour moi, je vivrois tristement si je n’espérois une autre année d’aller à Grignan ; c’est une de mes envies de me retrouver dans ce château avec tous les Grignans du monde : il n’y en a jamais trop. J’ai un

  1. De Retz.
  2. « Je crois avoir sagement fait de vous épargner la fatigue du voyage de Vichy. » (Édition de 1754.)