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1676me faites un plan de cet été et de cet automne qui me plaît et qui me convient. Je serois aux noces de M. de la Garde, j’y tiendrois ma place, j’aiderois à vous venger de Livry ; je chanterois :

xx Le plus sage
S’entête et s’engage
Sans savoir comment.


Enfin, Grignan et tous les habitants me tiennent au cœur. Je vous assure que je fais un acte généreux et très-généreux, ma chère enfant, de m’éloigner de vous.

Que je vous aime de vous souvenir si à propos de nos Essais de morale ! Je les estime et les admire. Il est vrai que le moi[1] de M. de la Garde va se multiplier : tant mieux, tout en est bon. Je le trouve toujours à mon gré, comme à Paris. Je n’ai point eu de curiosité de questionner sur le sujet de sa femme[2]. Vous souvient-il de ce que je contois un jour à Corbinelli, qu’un certain homme épousoit une femme ? « Voilà, me dit-il, un beau détail. » Je m’en suis contentée en cette occasion, persuadée que, si j’avois connu son nom, vous me l’auriez nommé. Vos dames de Montélimar sont assez bonnes à moufler[3] avec leur carton doré. Hélas cette pauvre cassolette qui vient

  1. C’est une allusion au livre de Nicole. Le chapitre iii du traité de la Connoissance de soi-même a pour titre : « Idée confuse du moi, principal objet de l’amour des hommes, et source de leurs plaisirs et de leurs ennuis. »
  2. Le mariage dont il s’agissoit ne se fit point, quoique très-avancé. — M. de la Garde étoit fils de Louis Escalin des Aymars, baron de la Garde, et de Jeanne Adhémar de Monteil, tante de M. de Grignan. (Note de Perrin.) — Voyez la Notice, p. 328, et les lettres des 20 juillet et 28 décembre 1689.
  3. « Moufle signifie (entre autres choses) gros visage, gras et rebondi. — Moufler, prendre le nez et les joues ensemble à quelqu’un, en sorte qu’on lui fasse boursoufler les joues. (Exemples :) On l’a