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1676Si vous recevez une réponse du maréchal de Lorges, je vous prie de m’en faire part, pour savoir si on est bien aise quand on est content[1] : en attendant, je vous dirai que celui-ci[2] a trouvé par sa modération ce que l’autre ne trouvera peut-être jamais avec toutes les grâces de la fortune. Il est aise, parce qu’il est content, et il est content, parce qu’il a l’esprit bien fait. Vous me disiez l’autre jour des choses trop plaisantes sur le maréchal de Rochefort, qui avoit obtenu tout ce qu’il avoit souhaité et qui malheureusement avait oublié de souhaiter de ne pas mourir sitôt. C’étoit une tirade qui valoit trop : on ne finiroit point ; je les sens toutes, et je ne dis plus rien.

Vous me demandiez l’autre jour s’il étoit vrai que la duchesse de Sault[3] fût un page ; non, ce n’est point un page ; mais il est vrai qu’elle est si aise de n’être plus à Machecoul[4] à mourir d’ennui avec sa mère, et qu’elle se trouve si bien d’être la duchesse de Sault, qu’elle a peine à contenir sa joie ; et c’est précisément ce que disent les Italiens, non può capire[5]. Elle est fort aise d’être contente, et cela répand une joie un peu excessive sur toutes ses actions, et qui n’est plus à la mode de la cour, où chacun a ses tribulations, et où l’on ne rit plus depuis plusieurs années. Pour sa personne, elle vous plairoit sans beauté, parce qu’elle est d’une taille parfaite et d’une très-bonne grâce à tout ce qu’elle fait. Je suis toujours en peine de notre cardinal ; il me cache ses maux par l’intérêt qu’il

  1. Allusion à la réponse de Mmé de la Vallière à Mme de Montespan.— Voyez la lettre du 29 avril précédent, p. 423. (Note de l’édition de 1818.)
  2. Sans doute l’abbé Bayard.
  3. Voyez la lettre du 8 avril précédent, p. 400.
  4. Beau château du duché de Retz, à huit lieues de Nantes, sur les bords du lac de Grand-Lieu. Le château de Machecoul est situé dans la ville de ce nom.
  5. (Elle) ne peut se contenir.