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sait que j’y prends ; mais la continuation de ce mal de tête me déplaît. Je me porte très-bien ; j’attends du chaud la liberté de mes mains ; elles me servent quasi comme si de rien n’étoit ; j’y suis accoutumée, et je trouve que ce n’est point une chose nécessaire que de fermer les mains : à quoi sert cela ? C’est une vision, quand il n’y a personne à qui l’on veuille serrer la main. Ce m’est un reste de souvenir de ce mal que j’honore tant, et dont le nom seul me fait trembler. Enfin, mon ange, ne soyez plus en peine de moi ; ce qui me reste pour ma consolation dépend de vous. Je vous écrirai encore d’ici une lettre que je vous annonce, et que vous aimerez ; je vous embrasse avec la dernière tendresse. Bonjour, Monsieur de Grignan, et les pichons.



550. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Pomé, samedi 20e juin.

Vous me parlez encore de la rigueur que j’ai eue de ne vous avoir pas voulue à Vichy : croyez, ma fille, que j’en ai plus souffert que vous ; mais Dieu ne l’a pas voulu : la Providence n’avoit pas rangé les choses pour me donner cette parfaite joie. J’ai eu peur de la peine que vous donneroit ce voyage, qui est long et dangereux ; et par le chaud c’étoit une affaire. J’avois peur que ce mouvement n’en empêchât un autre ; j’avois peur de vous quitter, j’avois peur de vous suivre ; enfin, ma fille, je craignois tout de ma tendresse et de ma foiblesse, et je ne pouvois qu’en votre absence préférer mon oncle l’abbé à vous. Je n’ai été que trop occupée de notre voisinage : il m’a