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1676qui me ravit ; je serois au désespoir d’engraisser, et que vous ne me vissiez pas comme je suis. J’ai quelque légère douleur encore aux genoux ; mais en vérité c’est si peu de chose que je ne m’en plains point du tout.

Trouvez-vous, ma bonne, que je ne vous parle point de moi ? En voilà par-dessus les yeux : vous n’avez pas besoin de questionner Corbinelli. Il est souvent avec moi, et la Mousse et tous deux parlent souvent de votre père Descartes. Ils ont entrepris de me rendre capable d’entendre ce qu’ils disent : j’en serai ravie, afin de n’être point comme une sotte bête, quand ils vous tiendront ici. Je leur dis que je veux apprendre cette science comme l’hombre, non pas pour jouer, mais pour voir jouer. Corbinelli est ravi de ces deux volontés, qu’on trouve si bien en soi, sans qu’il soit besoin de les aller chercher si loin[1]. En vérité, nous avons tous bien envie de vous avoir, et ce nous est une espérance bien douce que de voir approcher ce temps. Je vous trouve bien seule, ma très-chère : cette pensée me fait de la peine ; ce n’est pas que vous soyez sur cela comme une autre ; mais je regrette ce temps où je pourrois être avec vous. Pour moi je prétends aller à Livry ; Mme de Coulanges dit qu’elle y viendra ; mais la cour ne lui permettra pas cette retraite.

Le Roi arrive ce soir à Saint-Germain[2], et par hasard

  1. La Gazette du 11 annonce en ces termes l’arrivée du Roi, sous la rubrique de Saint-Germain : « Le Roi laissant ses conquêtes en
  2. Cette double volonté sans doute dont parle Descartes (voyez par exemple le traité des Passions de l’âme, Ire partie, article xlvi), par laquelle « l’âme se sent poussée presque en même temps à desirer et à ne pas desirer une même chose : » d’où « on a pris occasion d’imaginer en elle deux puissances qui se combattent. » C’est là une de ces choses qui, comme il le dit ailleurs, « se connoissent sans preuve, par la seule expérience que nous en avons. » (Voyez les Principes de la philosophie, Ire partie, n° 39.)