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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/551

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1676Reine me parla aussi longtemps de ma maladie que si c’eût été une couche. Elle me parla aussi de vous. Monsieur le Duc me fit mille de ces caresses à quoi il ne pense pas. Le maréchal de Lorges m’attaqua sous le nom du chevalier de Grignan, enfin tutti quanti : vous savez ce que c’est que de recevoir un mot de tout ce qu’on trouve en chemin[1]. Mme de Montespan me parla de Bourbon, et me pria de lui conter Vichy, et comme je m’en étois trouvée ; elle dit que Bourbon, au lieu de lui guérir un genou, lui a fait mal aux deux[2]. Je lui trouvai le dos bien plat, comme disoit la maréchale de la Meilleraye[3] ; mais sérieusement, c’est une chose surprenante que sa beauté ; et sa taille qui n’est pas de la moitié si grosse qu’elle étoit, sans que son teint, ni ses yeux, ni ses lèvres, en soient moins bien. Elle étoit toute habillée de point de France ; coiffée de mille boucles ; les deux des tempes lui tomboient fort bas sur les deux joues ; des rubans noirs sur la tête, des perles de la maréchale de l’Hospital[4],

  1. « De tout ce que l’on trouve en son chemin. » (Édition de 1754.)
  2. Dans l’édition de Rouen (1726) et dans la première de Perrin (1734), on lit dents, au lieu de deux : « lui a fait mal aux dents. »
  3. Sur la maréchale de la Meilleraye, voyez tome I, p. 419, note 6.
  4. Claudine ou Marie-Françoise Mignot, qui, veuve d’un premier mari, épousa le maréchal de l’Hospital en 1653, et en 1672 l’ancien roi de Pologne Jean-Casimir Wasa. Elle mourut en 1711. « Mme la maréchale de l’Hospital, dit Mademoiselle dans ses Mémoires (tome III, p. 202 et suivante), a un beau visage, mais elle est si grosse que cela la rend assez ridicule de la voir danser. Elle danse bien ; elle a les plus belles pierreries du monde ; ses perles sont plus grosses que celles de la Reine ; elle est magnifique sur sa personne et dans son logis, et ce qui surprend de la voir ainsi, c’est qu’elle étoit lingère à Grenoble. Un trésorier de France l’épousa par amour et lui donna quelques biens. On lui prédit qu’elle se marieroit à un grand seigneur, et en troisièmes noces à un prince. Son premier mari étoit dans les partis ; il lui avoit laissé quelques affaires ; elle vint à Paris ; elle fit connoissance avec un moine augustin déchaussé, qui lui donna habitude avec le secrétaire du maréchal de l’Hospital. Ce se-