Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/140

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1676 est, depuis dimanche, d’un travail affreux qui ne finit point, et où Bouchet perd son latin.

M. de Langlée[1] a donné à Mme de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or, qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait en secret cet ouvrage ; âme vivante n’en avoit connoissance. On la voulut donner aussi mystérieusement qu’elle étoit fabriquée. Le tailleur de Mme de Montespan lui apporta l’habit qu’elle avoit ordonné ; il en fit le corps sur des mesures ridicules : voilà des cris et des gronderies, comme vous pouvez penser ; le tailleur dit en tremblant : « Madame, comme le temps presse, voyez si cet autre habit que voilà ne pourroit point vous accommoder, faute d’autre. » On découvre l’habit : « Ah la belle chose ! ah quelle étoffe ! vient-elle du ciel ? Il n’y en a point de pareille sur la terre. » On essaye le corps : il est à peindre. Le Roi arrive ; le tailleur dit : « Madame, il est fait pour vous. » On comprend que c’est une galanterie ; mais qui peut l’avoir faite ? « C’est Langlée, dit le Roi. — C’est Langlée assurément, dit Mme de Montespan ; personne que lui ne peut avoir imaginé une telle magnificence. » — « C’est Langlée, c’est Langlée ; » tout le monde répète : « C’est Langlée ; » les échos en demeurent d’accord, et disent « C’est Langlée ; » et moi, ma fille, je vous dis pour être à la mode : « C’est Langlée. »

    sœur de la duchesse d’Aumont et de la duchesse de Ventadour. Elle avait épousé le 18 mars 1675 Henri-François de Saint-Nectaire, marquis de la Ferté, duc par démission de son père en 1678, lieutenant général en 1696, mort en 1703.

  1. 18. Voyez tome II, p. 455, note 5, et tome IV, p. 47, note 10.