Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/314

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1677 soin extrême de la gouverner. Parlons de la traverse d’Autun ici, qui est un chemin diabolique. J’ai dit adieu pour jamais partout où j’ai passé. Je suis ici dans le château de cette bonne de Saint-Géran, qui m’a reçue comme sa fille. Vous y avez passé, ma fille : tout m’est cher à mille lieues à la ronde. Je suis à plaindre quand je n’ai point de vos nouvelles ; cela me fait une tristesse qui ne m’est pas bonne. Depuis Époisse il y a sept jours, cela est long ; j’en espère, voilà ce qui me soutient. Je vous prie de dire à M. de Grignan que je le conjure d’écrire à M. de Seignelay, ou à M. de Bonrepos[1], pour obtenir le congé du chevalier de Sévigné pour venir solliciter cet hiver un vaisseau[2] : il y a bien des

  1. 9. Bonrepos, ou Bonrepaus, était un gentilhomme du pays de Foix. « Il avoit été longtemps dans les bureaux de la marine, du temps de M. Colbert, ensuite un des premiers commis de Seignelay, dont il eut la confiance. À sa mort il se retira des bureaux, qui lui avoient servi à se faire à la cour des amis et à être depuis bien reçu dans toute la bonne compagnie. Il alla en Angleterre faire un traité de commerce, puis aux villes hanséatiques, enfin ambassadeur en Danemark, puis en Hollande, où il réussit fort bien. Le Roi le traitoit avec bonté, Mme  de Maintenon aussi ; il étoit estimé, et sur un pied de considération dans le monde, avec de l’esprit, de l’honneur, de la capacité et des talents… C’étoit un très-petit homme, gros, d’une figure assez ridicule, avec un accent désagréable, mais qui parloit bien, et avec qui il y avoit à apprendre, et même à s’amuser… Il étoit sage et respectueux… Il étoit riche et entendu, fort honorable, et toutefois ménageoit très-bien son fait. » (Saint-Simon, tomes XVII, p. 220 ; II, p. 49 et 50.) Bonrepos mourut subitement en 1719, sans avoir été marié. Pendant son ambassade en Hollande, il avait eu pour secrétaire le fils de Racine.
  2. 10. « Pour cet hiver, afin qu’il vienne solliciter un vaisseau. » (Édition de 1754.) — Est-ce le même chevalier de Sévigné qui commandait le Courageux en 1690, et qui se distingua sous les ordres de Tourville, au combat du 10 juillet, contre les flottes de l’Angleterre et de la Hollande, comme le constate le rapport de Châteaurenault à Seignelay ? Voyez l'Histoire de la marine française pendant le règne de Louis XIV, par Eugène Sue, tome IV, p. 357 et 364.