Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1677 monde ; vous aimeriez ce petit enfant ; cela lui dénoue le corps : il est délibéré, adroit, résolu. Son père passe sa vie à la guerre ; il est convalescent à la Palisse, et se divertit à rendre son fils un vrai petit soldat ; j’aimerois mieux cela qu’un maître à danser : si le hasard vous envoyoit un tel homme, prenez le même plaisir sur ma parole. Monsieur l’Archevêque a écrit au bon abbé tout ce qui se peut mander d’obligeant et de tendre, pour l’engager au voyage de Grignan ; mais je ne vois pas que cela l’ébranle[1].

J’auroîs bien à causer sur vos deux lettres que voilà ; mais quoique je ne sois pas encore initiée à la fontaine, je veux vous donner l’exemple. Un homme de la cour disoit l’autre jour à Mme de Ludres : « Madame, vous êtes, ma foi, plus belle que jamais. — Tout de bon, dit-elle, j’en suis bien aise, c’est un ridicule de moins. » J’ai trouvé cela plaisant.

Mme de Coulanges a des soins de moi admirables ; je regarde autour de moi ; est-ce que je suis en fortune ? Elle me rend le tambourinage qu’elle reçoit de beaucoup d’autres. La Bagnols m’écrit aussi mille douceurs tortillonnêes[2]. Adieu, ma très-chère enfant : je vous aime avec une tendresse que je ne puis exprimer. Évitez sur toute chose le cœur de l’hiver pour revenir, et le détour de Reims[3]. Croyez-moi, il n’y a point de santé qui puisse résister à ces fatigues : les voyages usent le corps comme les équipages.

  1. 9. Le texte de 1754 ajoute « quoiqu’il en soit touché. »
  2. 10. Voyez la lettre du 26 juillet précédent, p. 233 et 284.
  3. 11. Mme de Grignan avait le projet, en revenant à Paris, de passer par Reims pour aller à la Trousse. (Note de l’édition de 1818.) L’édition de 1754 ne donne pas les mots sur toute chose, et celle de 1734 n’a pas et le détour de Reims.