Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/452

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1678 vie que j’avois eue de la retenir ici pendant les chaleurs, et qu’elle ne partît que cet automne pour passer l’hiver à Aix, dont l’air est bon ; que vous ne souhaitiez au monde que sa santé, et que ce n’étoit qu’elle que nous avions à combattre, pour l’empêcher de partir tout à l’heure. Nous en sommes demeurés là ; M. de la Garde a été témoin de tout. J’ai cru que je devois vous faire part de tout ce qui s’est passé, en vous protestant que l’envie de la voir plus longtemps, quoique ce soit le plus grand plaisir de ma vie, ne m’oblige point à vous reparler encore sur ce sujet ; mais je croirois que vous auriez sujet de vous plaindre de moi, si je vous laissois dans la pensée que son mal ne fut pas plus considérable qu’il l’a été : il l’est d’autant plus, qu’il y a un an qu’il dure, et cette longueur est tout ce qu’il y a à craindre. Vous me direz que je la retienne : je vous répondrai que je n’y ai aucun pouvoir, qu’il n’y a que vous ou M. de la Garde qui puissiez fixer ses incertitudes. À moins que sa tranquillité ne vienne par là, il n’en faut point espérer, et n’en ayant point, il vaut mieux qu’elle hasarde sa vie. Elle a pour vous et pour ses devoirs un attachement très-raisonnable et très-juste ; à moins qu’elle ne retrouve, par la pensée de vous plaire, la douceur qu’elle trouveroit d’être auprès de vous, son séjour ici lui feroit plus de mal que de bien : ainsi, Monsieur, c’est vous seul qui êtes le maître d’une santé et d’une vie qui est à vous ; prenez donc vos mesures, chargez-vous de l’événement du voyage, ou donnez-lui un repos qui l’empêche d’être dévorée, et qui la fasse profiter des trois mois qu’elle sera ici. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Je ne m’étonne pas si vous ignorez, l’état où elle est : sa fantaisie, c’est de dire toujours qu’elle se porte fort