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1676

581. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Livry, lundi 21e septembre.

Non, ma très-chère, ce n’est point pour vous épargner la fatigue d’un voyage au mois de décembre, que je vous prie de venir au mois d’octobre : c’est pour vous voir deux mois plus tôt. J’ai pris assez sur moi de n’avoir pas usé du droit que vous m’aviez donné de vous faire venir cet été : il faut me payer de cette complaisance ; et sans pousser l’irrésolution par delà toutes les bornes, vous partirez, comme nous en sommes demeurés d’accord, dans le temps que M. de Grignan ira à son assemblée : c’est de ce temps que je vous serai obligée, parce que je le compterai pour moi. Voilà, ma chère fille, ce que mon amitié espère de la vôtre : je n’en dirai pas davantage. Pour ma santé, elle est admirable[1] ; je mets mes mains deux fois le jour dans le marc de la vendange ; cela m’entête un peu ; mais je crois, sur la parole de tout le monde, que je m’en trouverai bien. Si je suis trompée, Vichy reviendra sur le tapis ; en attendant je fais tout ce qu’on veut, et me promène en long et en large[2] avec une obéissance merveilleuse. Je ne pousserai point ce séjour-ci plus loin que le beau temps ; je ne tiens à rien, et je ne ferai point une gageure d’y essuyer les brouillards d’octobre.

Vous ai-je mandé que Segrais est marié à une cousine très-riche[3], qui n’a pas voulu des gens proportionnés à ses richesses, disant qu’ils la mépriseraient et qu’elle

  1. Lettre 581. — 1. « Pour ma santé, n’en soyez point en peine » (Édition de 1754.)
  2. 2. Voyez la lettre du 16 septembre précédent, p. 66.
  3. 3. Claude Acher, fille de Jean Acher, seigneur du Mesnilvité, et d’Hélène de la Ménardière, dame de Cuverville.