Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/111

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1679 encore plusieurs autres d’elle, et bien plus belles, et bien plus justes[1] : ceci est un billet écrit à course de plume. La mienne est bien en train de trotter.

J’ai été à cette noce de Mlle de Louvois : que vous dirai-je ? Magnificence, illustration[2], toute la France, habits rabattus[3] et rebrochés d’or, pierreries, brasiers

  1. 24. On peut en lire une, fort austère, dans le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome IV, p. 161, note 1. En voici une autre, adressée à la duchesse de Luynes, et à laquelle convient parfaitement aussi tout ce que Mme de Sévigné vient de dire de la lettre à Mme de Lesdiguières. Nous la donnons d’après une copie du temps, conservée à la Bibliothèque impériale (Suppl. franç., n° 1565, in-f°.) :

    En novembre 1679.

    Une personne morte au monde ne devroit pas, Madame, attendre l’honneur que vous lui faites, de la consoler sur une disgrâce du monde : c’est ce qui me rend plus obligée, Madame, à votre extrême bonté, qui fait au delà du précepte de pleurer avec ceux qui pleurent ; car vous compatissez même à ceux qui ne pleurent pas, puisqu’en effet de telles pertes ne méritent pas les larmes de ceux qui savent qu’il n’en faut répandre que pour pleurer ses péchés, ou les dangers de ceux qu’ils aiment, quand ils sont exposés par leur grande fortune à perdre le ciel pour la terre, ce qui n’arrive que trop souvent. J’ai été dans cette inquiétude pour mon frère depuis que je l’ai vu en une place où les ruines sont si fréquentes. Il n’est pas encore sauvé, mais ceci est pour lui une marque de salut, et ainsi c’est pour moi un commencement d’espérance qui me console. Je ne prendrois pas la liberté, Madame, de vous parler de la sorte, si je ne savois pas que vous desirez d’apprendre le langage du royaume de Dieu et que toutes choses vous aident à vous détromper de l’illusion du monde : on apprend à le connoître par les événements, et en même temps à le mépriser. La plus grande.reconnaissance que je pourrois vous témoigner pour vos bontés, que je ressens si fort, seroit de vous obtenir de Dieu ce mépris du monde. Je souhaite d’en être digne, et de vous persuader, Madame, que personne ne vous honore davantage et n’est plus que moi, Madame, votre très-humble et très-obéissante servante.

  2. 25. Dans les deux éditions de Perrin : « illumination. »
  3. 26. Rabattus est la leçon du manuscrit. Dans Perrin, il y a rebattus.