Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/127

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1679 la spéculation ne lui dissipe point les esprits, tout est à profit de ménage, et sa tendresse est appuyée sur ce solide inébranlable. Toute la famille de Luynes est enragée : « Comment ! trois mois après la mort de notre fille ! il pleuroit encore tous les jours (vous voyez bien de quoi il pleuroit) ; quoi ! sans nous dire un mot ! quelle honte ! » J’ai soutenu que M. de Guémené avoit bien fait, et les femmes aussi : l’un d’avoir suivi un goût honnête et raisonnable, et elles de n’avoir point fait battre le tambour. Puisqu’elles avoient le Roi pour confident, à quoi servoit tout le reste ? Cette affaire m’a fait plaisir ; j’ai compris la joie de Mme de Vauvineux, non-seulement de l’affaire, qui est grande au delà de toute espérance, mais encore de la manière, qui a épargné cent discours, cent dégoûts et cent mille francs de dépense, c’est-à-dire beaucoup. N’est-il pas vrai, ma fille, que tout tourne à bien pour ceux qui sont heureux ? L’Évangile le dit[1], il le faut croire.

En vérité, j’ai eu bien de la peine pour vos affaires de Provence. Il a fallu que le bel abbé ait présenté votre courrier, dont les dépêches ont été très-agréablement

  1. 13. Nous ne savons quel passage de l’Évangile ni même du Nouveau Testament Mme de Sévigné a ici en vue. D’une part, sa phrase rappelle par la tournure, mais non par le sens, cet endroit de saint Paul, dans l’Épître aux Romains {chapitre viii, verset 28) : « Tout tourne à bien pour ceux qui aiment Dieu ; » et d’autre part sa pensée, au fond, n’est pas sans analogie avec ce verset plusieurs fois répété dans les trois premiers évangélistes : « Il sera donné à celui qui a déjà, et il sera dans l’abondance ; » voyez saint Matthieu, chapitre xiii, verset 12, etc. Peut-être aussi s’est-elle souvenue de cette phrase de Pascal, dont le sens se laisserait aisément détourner : « Tout tourne en bien pour les élus… et tout tourne en mal pour les autres. » (Pensées, édition de M. Havet, p. 258.) — Les derniers mots du paragraphe contiennent une autre allusion, qui n’a rien de douteux, à ce vers de la fable vii du IVe livre de la Fontaine :

    Pline le dit, il le faut croire.