Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/129

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1679 Je vais chez MM. de Grignan, j’écoute ce qu’ils me disent, j’approuve, je conseille ce qui est résolu ; en un mot, ma chère enfant, si vous ne m’aimez par d’autres raisons que par l’intérêt, je suis perdue. Je crois que mon fils est perdu aussi ; votre lettre l’attendra ici ; il n’est plus dans le bois des Rochers, il est en basse Bretagne ; M. d’Harouys l’attend à Nantes, et ce n’est pas sans beaucoup d’impatience, car il a des affaires ici.

On lit mille relations de la reine d’Espagne. Elle est toute livrée à l’Espagne ; elle n’a conservé que quatre femmes de chambre[1]. Le Roi la surprit comme elle se coiffoit, il ouvrit la porte lui-même ; elle voulut se jeter à genoux, et lui baiser la main ; il la prévint, et lui baisa la sienne ; de sorte qu’ils étoient tous deux à genoux. Ils se marièrent sans cérémonie, et puis se retirèrent pour causer. Elle[2] entend l’espagnol ; elle étoit habillée à l’espagnole. Ils arrivèrent à Burgos ; ils se couchèrent à huit heures, et furent jusqu’à dix heures du matin, le lendemain, au lit[3]. La Reine écrit de là à Monsieur[4], et lui mande qu’elle est heureuse et contente, qu’elle a trouvé le Roi bien plus aimable qu’on ne lui avoit dit. Le Roi est fort amoureux ; la Reine a été très-bien conseillée, et s’est fort bien conduite dans tout cela : devinez par quels conseils ? Par ceux de Mme de Grancey, car la maréchale[5] étoit immobile, ayant joint une dose de la

  1. 17. Dans sa deuxième édition (1754), Perrin a ajouté : « françoises. »
  2. 18. « La Reine. » (Édition de 1754.)
  3. 19. « Et furent au lit le lendemain matin jusqu’à dix. » (Ibidem.)
  4. 20. Tout ce qui suit le mot Monsieur, jusqu’à la fin de la lettre, ne se trouve, ainsi que le paragraphe précédent tout entier, que dans l’édition de 1754, qui porte en note : « Toute cette fin de lettre n’a point été imprimée dans les éditions précédentes. » Dans le texte de 1734, la lettre se termine ainsi : « La Reine écrit de là à Monsieur. Adieu, ma fille : je vous embrasse de tout mon cœur. »
  5. 21. La maréchale de Clérembaut.