Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1679 gravité d’Espagne avec sa philosophie stoïcienne. C’est donc Mme de Grancey qui a fait le plus raisonnable personnage ; aussi a-t-elle reçu de grandes louanges et de grands présents. Le Roi[1] lui donne une pension de six mille francs, qu’elle prendra sur Bruxelles ; elle a eu un don de dix mille écus sur un avis que los Balbasez[2] lui donna, et pour dix mille écus de pierreries. Elle mande que l’âme de Mme de Fiennes est passée en elle[3], qu’elle prend à toutes mains, et qu’elle s’y accoutumera si bien qu’elle s’ennuiera en France, si on ne la traite comme en Espagne[4]. Toutes les dames s’en retournent ; on épargne une partie du chemin à la maréchale, en la priant absolument de demeurer à Poitiers, où elle avoit été prise. Voilà un aussi furieux dégoût qu’on puisse en recevoir ; elle a grand besoin de son mépris envers le genre humain pour soutenir cette disgrâce. C’est Mme d’Effiat[5] qui est gouvernante déclarée ; elle est remise avec son

  1. 22. Le roi d’Espagne.
  2. 23. Paul Spinola, marquis de los Balbazes, gendre du connétable de Colonne : voyez Saint-Simon, tome X, p. 175 et 176. Il avait été chef de l’ambassade d’Espagne à Nimègue, et au mois d’avril 1679, il avait été envoyé à Paris, comme ambassadeur extraordinaire, pour demander à Louis XIV la main de Mademoiselle pour le roi d’Espagne. Le marquis et la marquise de los Balbazes accompagnèrent la jeune reine dans son voyage de France en Espagne.
  3. 24. L’avidité de Mme de Fiennes était passée en proverbe. « C’est la femme du monde la plus intéressée, et qui veut bien que l’on la croie telle, car elle demande toujours. Je lui ai ouï dire : Que les laquais sont heureux ; car la mode de leur donner des étrennes dure toujours pour eux ; je voudrois l’être pour que l’on me donnât les miennes. » (Mémoires de Mademoiselle, tome III, p. 225.)
  4. 25. On lit dans la Correspondance de Madame, édition allemande de 1789, p. 277 : « Je ne pouvais point souffrir que cette Grancey tirât des profits de toute ma maison, que personne ne pût acheter une charge chez nous sans payer un pot-de-vin à cette Grancey. »
  5. 26. La marquise d’Effiat (voyez tome III, p. 289, note 5) fut nommée gouvernante des enfants de Monsieur, sur la démission de