Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/156

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1679 savez, que chez le plus honnête homme du monde, ce n’est plus chez un ministre. On ne lui a pas encore donné la somme entière. Je crois que Mme de Vins ira bientôt à Saint-Germain : Mme de Richelieu lui a mandé. Je la plains : ce voyage sera triste pour elle ; je ne m’accoutume point à cette disgrâce. Je souffrirai celle de voir votre ministre bourru[1] ; j’observerai ses manières charmantes : jusques ici je n’ai dans la mémoire que son coup de Jean Maillard.

Vous avez très-bien fait de vous coucher à onze heures le jour de votre bal ; quand on voit que l’on ne voit rien, on ne sauroit mieux faire. Êtes-vous dans une entière impuissance de danser un menuet, comme l’année passée, au cas que je vous en priasse de bonne grâce, dans ma chambre ? Je tâche à mesurer votre force passée avec votre force présente.

Je vis l’autre jour les duchesses de Lesdiguières et de Sully, qui me parurent fort dignes du souvenir que vous avez d’elles par celui qu’elles ont de vous. Mon fils ne m’écrit point ; il n’est pas encore revenu à Nantes. J’avois jusques ici tout mis sur mon compte, en disant qu’il achevoit mes affaires ; mais je commence à succomber aux reproches amers de M. de la Trousse, qui me dit que je devrois donc lui faire vendre sa charge pour vaquer à celle de mon intendant. Je vous prie que ceci ne tourne point ; j’espère que mon fils reviendra alors que j’y penserai le moins, et qu’au bout de huit jours il n’y paroîtra plus. Ces sortes de conduites sont aussi mauvaises pour prendre les hérons que pour faire sa cour.

  1. 3. Ceci s’applique évidemment à Colbert : voyez tome V, p 143. Son coup de Jean Maillard est celui qu’il vient de porter à Pompone et à Louvois. Le manuscrit donne boury, au lieu de bourru.