Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/167

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1679 écrit dans votre lettre, qu’elle m’a paru toute de vous ; j’étois fâchée de sa grosseur, et quoique j’aie compris l’état où vous étiez avec beaucoup de peine, j’ai mieux aimé que cela soit arrivé pour vous corriger, et y mettre un bon ordre une bonne fois pour toutes, que d’être encore trompée, et vous achever d’accabler. Je vis l’autre jour du Chesne chez M. de Coulanges, qui a gardé plus de quinze jours sa chambre pour des dégoûts et des plénitudes ; il me parla de votre santé, et me dit encore pis que pendre de cette chienne d’écriture. Il est ami de Fagon ; il me conta qu’il ne vivoit que par l’éloignement des écritoires, et me dit encore que vous ne vous laissassiez point mourir d’inanition : quand la digestion est trop longue, il faut manger, cela consomme un reste qui ne fait que se pourrir et fumer, si vous ne le réchauffez par des aliments : Saint-Aubin en a fait cent fois l’expérience. Il me pria fort aussi de vous recommander l’eau de Sainte-Reine. C’est une cause de tous vos maux, à quoi vous ne pensez peut-être pas. Ma fille, Dieu veut que je vous dise tout cela : je le prie de donner à mes paroles toute la force nécessaire pour vous frapper, et vous obliger d’en faire votre profit. Je pris hier une médecine par l’ordre du bon du Chesne ; elle m’a fait comme celle du Bourbonnois ; je prendrai demain la petite eau de cerises, et le tout pour vous plaire : faites aussi quelque chose pour moi. Vous avez été à Lambesc, à Salon : ces voyages, avec votre poitrine, ont dû vous mettre en mauvais état, et vous ne vous en souciez point, et personne n’y pense. Vous seriez bien fâchée d’avoir rien dérangé ; il faut que la compagnie de bohèmes soit complète, comme si vous aviez leur santé. Votre lit, votre chambre, un grand repos, un grand régime, voilà ce qu’il vous falloit, ma chère enfant : au lieu de cela, du mouvement, des compliments, du déréglement et de la fatigue. Il ne faut rien espérer de vous, tant que