Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/244

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1680 quatre lignes le plus plaisamment du monde. Vous dites que vous n’êtes pas forte sur la narration : vous avez grand tort, ma fille, on ne peut mieux abréger un récit. Je comprends que vous vous soyez divertie de ce petit garçon, qui croit s’être battu à la rigueur. La sagesse du petit marquis me plaît. Vous me représentez fort bien les divers sentiments de Mlles de Grignan ; j’avois envie de les savoir[1] ; vos prophéties sont bonnes, il faut souhaiter qu’elles ne soient point fausses. Je suis fort aise d’être encore dans le souvenir de Mlles de Grignan. Ce que vous dites de Pauline est incomparable, aussi bien que l’usage que vous faites de votre délicatesse pour éviter les déplaisirs[2] du carnaval. Je n’oublierai jamais la hâte que vous aviez de vous divertir vitement, avalant les jours gras comme une médecine, pour vous trouver promptement dans le repos du carême. Vos personnes qualifiées au pluriel et au singulier vous soulagent beaucoup, et font très-bien leur personnage. Il ne faut pas douter que de vous entendre expliquer tout cela ne soit fort délicieux ; mais cependant, ma fille, je chasse cette tentation par la pensée que rien ne vous est plus mauvais que d’écrire[3], et que vous retomberez dans un moment à la douleur dont vous sortez, qui est tout ce que nous avons au monde à éviter. Je vous conjure donc, ma fille, de ne vous plus jouer à m’écrire autant que la dernière fois, si vous ne voulez que je réduise mes lettres à une demi-page ; car je vous jure, ma chère enfant, que ce soit une vengeance ou non, j’en userai ainsi pour vous faire voir que vous me forcez à rompre tout commerce : voyez si vous

  1. 2. Ce membre de phrase, et tout ce qui suit jusqu’à : « Ce que vous dites de Pauline, » n’est que dans la première édition de Perrin (1734).
  2. 3. « Les plaisirs. » (Édition de 1754.)
  3. 4. La phrase s’arrête ici dans le texte de 1754.