Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/295

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1680 ne suis point curieuse de me divertir ; mais on dit qu’il est parfaitement beau : bien des gens ont pensé à vous et à moi ; je ne vous l’ai point dit, parce qu’on me faisoit[1] Cérès, et vous Proserpine ; tout aussitôt voilà M. de Grignan Pluton ; et j’ai eu peur qu’il ne me fît répondre vingt mille fois par son chœur de musique :

   Une mère
Vaut-elle un époux[2] ?

C’est cela que j’ai voulu éviter car pour le vers qui est devant celui-là,

Pluton aime mieux que Cérès,

je n’en eusse point été embarrassée. Tant y a, ma très-chère, je suis fort persuadée que nous nous retrouverons[3], et je ne vis que pour cela. Vos champs élysiens sont bien réjouissants : vous sentez le carnaval dans toute son étendue ; il est tout défiguré ici. La cour tout entière est en chemin ; bien des gens sont allés à la campagne ; nous avions résolu d’y aller aussi, dans l’espérance que le soleil seroit fidèle au Roi ; mais le temps vient de changer d’une si terrible manière[4], que je ne sais plus ce qui arrivera de nous. On mande qu’on s’est fort diverti à Villers-Cotterets[5]. Je ne vois pas que les visites à ce carrosse gris[6] aient été publiques ; la passion n’en est pas moins grande. Il y a eu dix mille louis d’envoyés[7], et

  1. 2. « Parce qu’en me faisant. » (Édition de 1754.)
  2. 3. Ce sont deux vers de la scène v du IVe acte.
  3. 4. Dans l’opéra de Proserpine, Cérès revoit sa fille au dénoûment.
  4. 5. « D’une si étrange manière. » (Édition de 1754.)
  5. 6. Voyez la note 12 de la lettre précédente, p. 283. — Le 28 février, le Roi alla courre le cerf, et la Reine visita la Chartreuse de Bourg-Fontaine ; le soir, il y eut bal. Voyez la Gazette du 2 mars.
  6. 7. De Mlle  de Fontanges. Voyez la lettre précédente, p. 283.
  7. 8. « On reçut, en montant dans ce carrosse, dix mille louis. » (Édition de 1754.)