Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 en moi-même ; car pour vous faire un compliment sur la naissance d’une centième fille, je pense que vous ne l’avez pas prétendu. De quoi guérira-t-elle, celle-ci ? car la septième a quelque vertu particulière, ce me semble : tout au moins elle doit guérir de toutes les craintes que l’on a pour quelque chose d’unique. Mon exemple, et la pitié que je vous fais, vous font trouver délicieux d’être tiré de ces sortes de peines, par la résignation[1] et la tranquillité que vous devez avoir pour la conservation de cette jeune personne ; ce n’est pas de même chez nous : mon pauvre cœur est quasi toujours en presse, surtout depuis cette augmentation d’éloignement ; il semble qu’il y ait de la fureur à n’avoir pas été contente de cent cinquante lieues, et que par malice j’aie voulu en ajouter encore cent : les voilà donc ; et vous, Monsieur, qui savez si bien vous sacrifier pour vos affaires, et satisfaire à certains devoirs d’honneur et de conscience, vous comprendrez mieux qu’un autre les raisons de ce voyage : je veux faire payer ceux qui me doivent, afin de payer ceux à qui je dois ; cette pensée me console de tous mes ennuis. Je reçois deux jours plus tard les lettres de ma fille ; elle me mande qu’elle est mieux, qu’elle n’a point de mal à la poitrine ; ce qui me persuade, c’est que Montgobert me mande les mêmes choses : elle est sincère et je m’y fie ; ma fille a trop d’envie de me donner du repos, pour espérer d’elle une vérité si exacte. Elle a quelques rougeurs au visage ; c’est cet air terrible de Grignan ; je ne vois rien dé clair sur son retour ; cependant je fais ajuster son appartement dans notre Carnavalet, et nous verrons ce que la Providence a ordonné ; car j’ai toujours, toujours, cette Providence dans la tête : c’est ce qui fixe mes

  1. Lettre 811 (revue sur l’autographe). — 1. L’autographe porte résination.