Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/76

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1679 et M. de Grignan, qui vous aime, ne tremble-t-il point aussi de tant d’inégalités[1] ? Pour moi, je ne puis me rassurer, voyant surtout que vous n’êtes pas disposée à recevoir le secours des remèdes les plus certains.

Je vis l’autre jour cette petite Mme  de Nesmond[2] ; elle a été malade à l’extrémité de la poitrine ; elle revient à vue d’œil avec du lait d’ânesse le soir et le matin ; elle avoit une toux qui lui ôtoit la voix. Je ne vous dis pas d’en prendre, puisqu’il vous est contraire, qu’il vous dégoûte et vous déplaît ; mais je me plains, comme d’un très-grand malheur, que vous soyez privée d’un si sûr et si salutaire remède. Je regrette toujours le temps où je n’étois fâchée que de votre absence ; mais quelle circonstance de craindre comme je fais, et de craindre ce que je crains !

J’ai eu soin de Mlle  de Méri, autant que je l’ai pu avec ma solitude de Livry, qu’il a fallu me laisser un peu goûter. Elle n’est plus abandonnée, elle me le disoit l’autre jour, et même que sa santé n’est pas si déplorée. M. et Mme  de Moreuil[3], Mme  de Saint-Pouanges[4], d’au-

  1. 3. « M. de Grignan, qui vous aime, n’est-il point effrayé aussi de cette grande inégalité ? » {Édition de 1754.)
  2. 4. Marguerite de Beauharnois, fille unique de Mme  de Miramion (voyez la lettre du 31 janvier 1689). Née en 1646, elle épousa en 1660 Guillaume de Nesmond, maître des requêtes, reçu en survivance de la charge de président à mortier au parlement. « Devenue veuve, dit Saint-Simon (tome I, p. 321), elle se fit dévote en titre d’office et d’orgueil, sans quitter le monde qu’autant qu’il fallut pour se relever sans s’ennuyer… Ce fut la première femme de son état qui ait fait écrire sur sa porte : Hôtel de Nesmond. On en rit, on s’en scandalisa, mais l’écriteau demeura et est devenu l’exemple et le père de ceux qui de toute espèce ont peu à peu inondé Paris. C’étoit une créature suffisante, aigre, altière, en un mot une franche dévote, et dont le maintien la découvroit pleinement. »
  3. 5. Voyez une note de la lettre du 8 juillet 1685.
  4. 6. Marie de Berthemet, fille de Laurent de Berthemet, maître des