Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/116

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1680 une grande confiance à cet homme dont je vous ai parlé : je n’ai point de pouvoir sur mes enfants. Le médecin dit qu’il n’a jamais vu un mal comme celui-là ; mais si le caractère de ce mal est tout nouveau, la source où il a été pris doit être bien ancienne. Mon fils se trouve heureux d’être en repos ici ; il s’est promené aujourd’hui ; il joue quelquefois à l’hombre ; nous lisons, nous causons : il me trouve bonne, et par mille raisons je suis ravie de le pouvoir consoler. Il me prie de vous faire bien des amitiés ; il veut toujours vous écrire, et toujours le mal et la douleur l’en empêchent : dès qu’il a un moment de relâche, il est gai et plein d’espérance : je-vous manderai la suite de tout ceci, qui peut-être s’éclaircira tout d’un coup agréablement.

Vous avez toujours notre petit Coulanges ; vous êtes vraiment trop jolie sur votre sac de pommes, au pied d’un figuier, avec un bon panier de figues et de raisins devant vous : cela est admirable, pourvu que votre force réponde à votre courage, et qu’étant foible, vous ne vouliez pas représenter une personne forte. Il est vrai que M. de Coulanges m’a promis de vous épier, de vous observer, et de me dire tout ; mais je trouve que dans sa première lettre il a déjà pris le train de me flatter. Mon fils pâmoit de rire l’autre jour, au travers de toutes ses misères, au sujet de Mlle  du Plessis, qui est insupportable de vanité, depuis le mot de vous que je lui ai attiré : Mlle  du Plessis donc disoit une impertinence au-dessus de l’ordinaire ; moi, je pris aussi un ton au-dessus de l’ordinaire, et je dis : « Mais que cela est sot ! car je veux vous parler doucement. » Mon fils m’empêcha de continuer ce beau discours ; et c’est dommage, car il promettoit beaucoup : je crois que cela ne vaut rien du tout à écrire ; mais cela se présenta follement à la rate de votre pauvre frère. Adieu ma chère petite.