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1680

863. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 20e octobre.

Quand vous recevrez cette lettre, vous pourrez dire : « Ma mère est à Paris. » Je pars demain, et je mène mon fils, pour trouver un soulagement sûr dans cette grande ville ; on peut dire de Paris :

Et comme il fait les maux, il fait les médecines[1].

Tout le reste est ignorant. Notre bon et honnête et sincère médecin nous a déclaré que l’humidité du cerveau de ce pauvre enfant étoit cause qu’il n’osoit hasarder les remèdes nécessaires ; il nous conjure d’aller chercher des gens plus habiles et plus hardis que lui. Il sait parfaitement bien traiter les maux ordinaires ; mais l’incident de cette fluxion sur le cou lui paroît si extraordinaire, qu’il nous chasse, et nous assure que le voyage ne nous fera aucun mal. Nous partons enfin ; mon fils est tout disposé à cette fatigue, et envisage son arrivée à Paris comme le commencement de ses espérances. Voilà de quoi il est question depuis deux jours ; nous faisons en un moment ce qu’à peine nous eussions fait en un mois, et la Providence ne veut pas que ce soit pour vous que je précipite mon retour ; c’est au plus pressé que je cours, et ce n’est qu’à travers l’application que j’ai à conduire notre pauvre malade à bon port, que j’entrevois la joie de vous voir et de vous embrasser. J’arriverai avant la Toussaint, en sorte que j’aurai tout le temps de ranger votre appartement pour vous y recevoir. Vous dites que vous vous portez bien ; j’ai besoin

  1. Lettre 863. — 1. Vers de Benserade, déjà cité plusieurs fois. Voyez tome II, p.5, et la note 5.